Les Selkies sont des créatures issues du folklore anglo-saxon, et plus précisément d'Ecosse. Ce sont de sublimes jeunes femmes qui revêtent des peaux de phoque afin de pouvoir nager dans la mer.
Si un homme rencontre une Selkie et qu'il veut l'épouser, il devra conserver sa peau. A l'inverse, si une Selkie veut pouvoir s'éprendre librement d'un homme, elle devra enterrer elle-même son costume magique et verser sept larmes. Elle restera alors en sa compagnie pendant sept ans.
La jeune fille, Ondine, que le pêcheur irlandais Syracuse recueille dans son filet est-elle une Selkie ? C'est la question que pose Neil Jordan avec sa belle histoire. Et pendant près de 1h40, le doute sera permis.
Le réalisateur d'Entretien avec un Vampire raconte avec Ondine un conte moderne de toute beauté qu'il a lui-même écrit, et qu'il décidera de tourner dans sa région, au sud de Cork.
Le premier point fort du film, c'est la manière dont cette histoire est racontée, Jordan prenant le temps qu'il faut pour nous montrer ses personnages, entre un pêcheur se posant peu de questions (Farrell), sa fille d'une dizaine d'années bien plus futée que la plupart des gens du village et qui sera la première à soupçonner la nature fantastique d'Ondine et la jeune fille de l'eau elle-même toute en retenue.
Il faut dire que les personnages en question ne seraient pas si intéressants si les acteurs n'avaient pas été aussi bien dirigés. Colin Farrell, que je considère personnellement comme un grand acteur, y est époustouflant de justesse. La jeune Alison Barry est une jolie révélation et Alicja Bachleda-Curus... Aaah, Alicja. C'est bien simple : elle illumine chaque plan dans lequel elle apparait. Jeune actrice polonaise presque débutante et compagne de Colin Farrell dans la vie, elle est tout simplement magnifique. Et pourtant, Jordan la filme tout en retenue, sans chercher à la rendre attirante ou sexy à l'aide d'artifices visuels : il n'y en a pas besoin.
Et c'est également tout en retenue que Neil Jordan filme son histoire dans un petit village de pêcheur de la pointe sud de l'Irlande, évitant les plans de carte postale trop faciles pour se concentrer sur son histoire et sur ses personnages. Il évite d'ailleurs également les facilités qu'on aurait pu attendre d'une histoire magique se déroulant dans un univers celtique.
Ca n'empêche pas la réalisation d'être bien faite et le film de bénéficier d'une jolie photo.
Ondine est-elle réellement une Selkie ? Comment les habitants de Castletownbere composeront-ils avec cette nouvelle venue qui sème le bonheur partout où elle passe ? La légende parle d'une peau de phoque à enterrer. Qu'en est-il ? Toutes ces questions ne trouveront pas réponse. Et même quand arrive une scène ramenant tous les personnages à la réalité -scène qui aurait sans doute mérité plus de subtilité- le doute restera permis et notamment parce que Neil Jordan s'offrira le luxe d'appliquer un filtre à sa caméra pour donner à l'image un rendu différent...
Ondine est non seulement une jolie femme mais aussi un joli conte moderne, dit par un excellent conteur qui laissera toujours, jusqu'à la fin, un petit doute dans notre esprit. A notre imagination de décider...