L'actioner petit budget a encore de l'avenir en 2022.
Pourtant si on s'en tient de prime abord au packaging grisâtre typique des films tournés en Hongrie incluant Ryan Phillippe qui cachetonne et Scott Adkins à la filmo souvent fébrile, on a tout pour être sceptique.
Erreur : dès la 1ere image tout en sémiologie gestuelle et non-dits, on sait que le film promet du bon voire du très bon. Une réal immersive et inspirée, une écriture des personnages soignée et une tension narrative solide sans coup de mou. L'auteur et réalisateur britannique James Nunn a bien bossé en amont chaque séquence, plan, dialogue (cf titre de la critique), ressort dramatique...
La rigueur est payante et le concept dans le titre : One shot.
Soit un plan-séquence à presque chaque étape clé du récit... et un vrai tour de force du réalisateur : éviter la gerbe (comme l'héroïne en héli) ou la saturation de ce style narratif parfois trop frénétique ou lassant. Le cadrage souvent rotatif mais fluide sur chaque protagoniste au cœur de l'action fonctionne, peu importe si c'est un vrai plan séquence ou non. Mention spéciale à la 1ère et dernière attaques : malgré le nombre de tireurs et d'événements à suivre en moins d'une seconde, la topographie et la logique de la trajectoire des tireurs/ cibles/répliques de tirs mais aussi la lisibilité des combats à mains nues sont clairement maîtrisés... et ce malgré une luminosité assez dégueulasse (on est sur les terres rosbifs, pas sur celles rutilantes de Michael Bay).
Mention spéciale-force perso : suivre au plus près le bodycount indoor d'Adkins avec pour seule mais redoutable arme le SOG SEAL Team ELITE reste un plaisir coupable qui ferait pâlir la machette de Jason Voorhees.
One shot est donc un film de siège où se glissent naturellement les codes du film d'espionnage et de guerre anti-terroriste (on a envie d'ailleurs de connaître la suite à Washington D.C.), sans pour autant omettre l'émotion (SPOILER-l'agonie du 1er SEAL est d'un réalisme assez glaçant). Bien rythmé, fluide et sans invraisemblances notables excepté celle de la capacité illimitée du camion intrus, le pitch simplissime de départ tient bien la route.
Sèche et fulgurante, l'action est au 1er plan du film mais fait plus rare, l'intrigue basée sur le dilemme moral l'est presque tout autant (une intuition sur une attaque éventuelle mérite-t-elle un sacrifice collectif ?). Les djihadistes aussi robotiques que naïfs font plutôt peur, le boss des bad guys Jess Liaudin d’Evry en tête (ses origines françaises aussi). Côté "gentils", Ashley Green au jeu pudique mais magnétique captive, Philippe fait le job badass comme à son habitude et Adkins nous entraîne -où plutôt nous traîne vu sa cadence de combat- jusqu'à la dernière seconde.
L'immersion est en effet grandement assurée par ce guide de 1er choix. Bien meilleur acteur qu'un JCVD ou combattant qu'un Seagal à son top (mais derrière Bruce/Jet Lee ou Jeff Speakman), le meilleur des actionmen depuis plus d'une décennie, continue d'aiguiser son jeu dramatique, sobre mais intense quand le moment est pertinent. Difficile néanmoins de mettre son acting au même niveau que ses talents physiques (quel cardio) et martiaux (quelle précision et agilité des séquences chorégraphiées). Décidément, Adkins reste the boss de l'action des années 2010-2022 (il rejoint Keanu dans le 4eme volet de Wick, histoire de remonter la couleur de la ceinture) même si ici, il ne pratique pas ou peu son art de la MMA ou des ninjas, juste celles d'un SEAL ici terriblement crédible. Question de respect du personnage et du réalisme. A l'image globale du film bien plus adulte et abouti que 70% des productions de ce type.
Gareth Evans n'est certes pas loin, y a encore du chemin (notamment pour des raisons budgétaires) mais quand on voit les notes attribuées à One shot 2021 (pas les titres éponymes précédents), on se dit qu'avoir des préjugés sur le genre, c'est sacrément injuste pour toute l'équipe du film et idiot pour les moutons de Panurge qui passeraient à côté.
Faites confiance à vos yeux de bisseux, le film fera le reste.
"Adkins ! J'ai dit "Coupé" pour le plan, pas sa jugulaire bordel..."