Le complexe d’Œdipe selon Nicholas Winding Refn

Nicholas Winding Refn est-il victime du complexe d’Œdipe? Aprés avoir vu ce film, on peut légitimement se poser la question.


Tout d’abord, oubliez tout de suite son précédent film, Drive. Si vous connaissez le cinéma de Nicolas Winding Refn et que vous l’aimez, alors vous apprécierez Only God Forgives. Si du réalisateur, vous n’avez vu que Drive et que vous pensiez que son nouveau film s'inscrirait dans sa continuité (à cause du même acteur, d’une cinématographie similaire, du même style musical ...), alors vous serez déçu. La bande-annonce peut donner cette impression et ça se comprend d'un point de vu marketing, histoire d'attirer le plus de monde en salles, mais ce serait trompeur car ce film est très différent.


En vrai, Only God Forgives ressemble beaucoup à Bronson et encore plus à Valhalla Rising, s'inscrivant dans un récit onirique et s'éloignant d'une narration ancrée dans la réalité. On est donc loin du cinéma de ses débuts, de sa trilogie Pusher, qui se déroulait dans un monde bien réel et palpable.


Durant sa (jeune) carrière, Nicolas Winding Refn a effectué un virage dans son style cinématographique. Depuis Bronson il se sent plus à l'aise dans ce style onirique, limite fantastique. De plus, avant Drive, ses œuvres étaient surtout connues des plus curieux, de ceux qui recherchaient un regard nouveau sur le cinéma, bien que son style se rapproche beaucoup de ceux de William Friedkin et David Lynch. Drive fut son premier film aux Etats-Unis, mettant en vedette une star hollywoodienne (Ryan Gosling). Résultat, le film rencontra un énorme succès critique et au box-office, lui offrant son ticket d'entrée à Hollywood. Et pour son prochain projet, il choisit de s'atteler à Only God Forgives, un film qui lui permet d'approfondir son message (je dirais même qu'il se radicalise), tout en conservant un style très onirique.


Avec Only God Forgives, Nicholas Winding Refn se sent beaucoup plus philosophique, on retrouve l'esprit de Valhalla Rising. Sur la forme, le film possède de superbes décors, une photographie très travaillée, de l’action parfaitement lisible (caméra posée), des scènes qui semblent un peu détachées les unes des autres (narration onirique), peu de dialogues, des personnages qui ne manquent pas de profondeur malgré tout (ils communiquent et transmettent des émotions à travers les regards), une violence extrême mélangée à de la musique douce et/ou trance-électro. Sur le fond, le film traite de sujets philosophiques, profonds et durs, comme la recherche de vengeance, le besoin d'aimer et d'être aimé, la lutte entre bien et le mal, la famille, la relation maternelle ...


Côté casting, Ryan Gosling ne déçoit pas, une fois de plus. La poursuite de la collaboration entre l'acteur et le réalisateur danois est intéressante ici, du fait que Nicholas Winding Refn a voulu faire le contraire de ce qu’il a fait dans Drive, c'est à dire montrer la faiblesse de son personnage. Ryan Gosling n'a que trois ou quatre lignes de dialogues tout au plus tout au long du film pour défendre son personnage et malgré tout, il s'en sort avec les louanges. Il traine son spleen, a le regard fuyant et se montre complètement soumis à sa mère, qui ne perd aucune occasion pour le rabaisser. La mère justement, Kristin Scott Thomas est très convaincante en baronne de la drogue terriblement badass. Elle apparait dans très peu de scènes, mais à chaque fois on ne voit qu'elle. Mais celui qui vole la vedette à tout le monde, c'est Vithaya Pansringarm dans le rôle du flic incorruptible et à la force mystique. L'acteur semble jouer son propre rôle, tellement il est convaincant. Il a parfaitement compris son personnage, le rendant encore plus mystérieux et fascinant encore.


Bref, Only God Forgives c’est un film qui joue beaucoup sur l'atmosphérique et l'ambiance. C'est aussi un film plus profond qu'il n'y parait, traitant de thèmes difficiles, généralement peu abordés au cinéma. Le message du film dépend vraiment de la façon dont vous l'interprétez et peut varier d’une personne à une autre. Et comme on pouvait s’y attendre avec Nicholas Winding Refn, il y a des moments de violence extrême, qui sont susceptibles de faire grimacer la plupart d'entre vous ... certaines scènes sont même à la limite du supportable ! De ce fait, Only God Forgives n'est pas fait pour tout le monde, il est même difficilement appréciable, mais je le recommanderais quand même à tous ceux qui veulent vivre une expérience nouvelle ... et très spéciale.

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le 2 mai 2022

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lessthantod

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