Only god forgives est un des films qui me fascine le plus. Un de ces films, où l'esthétisme des images rejoint le symbolisme narratif. Dans ce film, il y a toute l'essence du cinéma que j'aime : une histoire, certes simple, mais loin d'être simpliste. Le genre d'histoire qui est illustrée avec brio par sa mise en scène, mise en scène qui raconte plus qu'il n'y a de mots prononcés. Car il est vrai que c'est un long-métrage avare en mots, mais pas avare en langage cinématographique.
Il y a beaucoup de choses, qui, je pense, ont été mal comprises à propos de cette œuvre. Beaucoup lui reprochent son hermétisme, son scénario, d'être une œuvre « vide mais belle ». Je comprends ce point de vue, pour autant je ne suis pas d'accord avec.
C'est une œuvre sublime grâce à ses lumières tamisées, qui ne sont pas utilisées juste dans un but esthétique, mais également symbolique. Les couleurs expriment un sentiment, une pensée. Julian, le personnage joué par Ryan Gosling, est souvent entouré de rouge et de violet, métaphores de la violence qui l'entoure, mais aussi de ses pulsions sexuelles qu'il ne s'autorise pas à assouvir. Le motif des mains, souvent cher à Refn, revient également : des mains qui se transforment en poing, des mains tâchées de sang. Tout cela transmet l'incapacité de Julian à agir, lui qui a évolué dans la violence, ne connaît que celle-ci, et elle sera également son exutoire.
Only god forgives est une œuvre qui reste propice à interprétations. Chacun peut y voir ce qu'il veut, peut-être. Pour moi, Julian est un personnage perdu dans un monde qu'il n'apprécie pas, emprunt de viols, de combats (il tient un club de boxe, qui sert en fait de « cache » pour du trafic de drogue), bref, de violences en tous genres. Un fils qui est incapable, depuis toujours, à satisfaire sa mère, qui lui a toujours préféré son frère aîné. Qui est incapable de venger la mort de celui-ci. Un personnage, qui, acculé par la prostituée Mai, quand elle lui demande pourquoi il ne se rebelle pas contre cette mère castratrice s'énerve, car il est mis face à son inaction. D'ailleurs, on pourrait interpréter le geste de Julian, qui, quand il voit le cadavre de sa mère, essaie de revenir au sein maternel, là où il pouvait dépendre d'elle, là où il n'avait pas de responsabilités.
Le personnage du policier est également intéressant à interpréter : il est celui qui châtie les mauvais hommes, qui fait office de figure divine, de figure d'autorité. Là où la loi des hommes fait rage, sur terre, il exerce le pouvoir de mort, pouvoir de Dieu. Il applique la loi du talion : œil pour œil, dent pour dent. « Only god forgives », seul Dieu pardonne, là où peut-être il n'a plus d'emprises, dans ce monde affreux sans foi ni loi. Pour autant, Julian, à la fin, reçoit son châtiment, alors, peut-être est-il pardonné.
Avec moult interprétations possibles, je ne pense pas qu'on puisse parler alors d'un film vide. Peut-être bien hermétique, oui, mais certainement pas vide, ni vaine. Pour moi c'est LE chef-d'oeuvre de Nicolas Winding-Refn, comme dit précédemment, en tout cas, celui que j'admire le plus. Il y a rarement eu plus belles images, plus belles lumières, plus belle histoire racontée en silence.