En faisant cette fois interpréter à sa femme Gena Rowlands le personnage de Myrtle, une actrice tourmentée, Cassavetes poursuit dans "Opening Night" l'exploration de l'un de ses thèmes de prédilection : le moment du basculement d'un individu hors du conformisme ambiant, l'instant où il perd ses repères, où son existence est mise en questions. Si le regard profondément humain que Cassavetes porte sur ces personnages en crise, en les rendant touchants, mais aussi vivants et sympathiques, sert de trait d'union avec les films précédents, l'excentricité de Myrtle est ici traduite sur un mode fantastique, et sans doute plus intellectuel qu'à l'habitude. Adressant le grand mystère du jeu de l'acteur (une question unissant théâtre et cinéma), Cassavetes, en montrant l'impossibilité, pour Myrtle, de s'identifier à une fan, qui vit le vieillissement comme une humiliation, rappelle l'importance qu'il accorde à l'intériorisation des émotions par l'acteur, dont le jeu doit donner l'illusion d'une continuité avec la vie. Une vie dont cet "Opening Night" déborde littéralement...
[Critique écrite en 1994]