Opération Beyrouth, pour son personnage principal, prend des airs de danse au dessus d'un volcan. Jon Hamm, en effet, se retrouve littéralement écartelé entre les intérêts divergents des uns et des autres, empêtré dans une trame politico militaire, dans un pays au centre du conflit israelo-palestinien commençant à s'exporter.


Sur un ton presque badin, Jon Hamm décrit la situation du Liban, au cours de sa scène inaugurale, comme celle d'une auberge. Les murs de celle-ci se pareront cependant vite des couleurs proches du rouge sang, lors de l'attaque de sa propriété, lieu de cohabitation précaire de l'ensemble des sensibilités du pays. Une vie enfuie, une autre qui se perd, la ville transforme tout ce qu'elle touche en ruines, ne faisant qu'anticiper ce qu'elle deviendra dix ans plus tard.


Le désormais ex-diplomate ne semble jamais à sa place dans ces décombres, mais il est propulsé contre son gré maître d'une situation qu'il n'envisage qu'en partie. Les négociations dans lesquelles il s'engage, et leurs rebondissements en tous genres, sur un fond historique, relèvent du classique. Le film se heurte ainsi aux récents Argo ou Le Pont des Espions, sans pour autant, il faut être honnête, pouvoir rivaliser. Mais Brad Anderson mise sur tout autre chose. Si le contexte réaliste permet de ne jamais décrocher du récit, c'est bien Jon Hamm qui brille ici, dans une jolie performance fracturée et meurtrie d'homme qui ne sort du gouffre de l'alcoolisme que de justesse, afin de se confronter à une ville qui lui a tout pris. Ainsi qu'à certains éléments intimes d'un passé qui le rattrape, ajoutant une petite touche de tragique à sa partition.


Dommage seulement que les autres personnages ne soient pas aussi fouillés, d'autant plus que le contexte, lui, est extrêmement intéressant et montre bien toutes les communautés et sensibilités à l'oeuvre dans une région transformée en poudrière. Les événements fictifs décrits, sous la plume alerte de Tony Gilroy, n'apparaissent que plus authentiques, tout comme les magouilles et petits arrangements d'un establishment américain omniprésent.


Les négociations priment sur l'action, c'est un fait, mais Opération Beyrouth est un thriller politique tendance espionnage affichant une certaine classe, le métier de Brad Anderson n'étant pas étranger au succès de l'entreprise, jouissant en outre d'une photographie terreuse, poussiéreuse et délabrée du plus bel effet.


Adulte, sans esbroufe et plutôt pessimiste quant à la situation qu'il dépeint, Opération Beyrouth déroule son intrigue solide sur un rythme détaché mais loin d'être nonchalant tout en tirant profit de son atmosphère admirablement tenue et de son interprète principal impeccable. Pour livrer une oeuvre très agréable que sa sortie à la sauvette condamne cependant à un anonymat d'autant plus honteux qu'il s'avère injustifié au vu de la qualité toute relative d'autres, envisagées telles des rouleaux compresseurs en forme de prédation impérialiste qui a tout du toxique.


Mais si l'industrie du cinéma savait reconnaître le mérite, cela se saurait. Non ?


Behind_the_Mask, pour qui Beyrouth ne rime pas forcément avec déroute.

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le 20 juin 2018

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