Je poursuis donc ma rétrospective Bruce Lee, après avoir revu et critiqué ce cher Fist of Fury en V.O, voilà que je n’ai pas d’autre choix que de revisionner Enter the Dragon en V.F.
Je sais c’est pas de bol, on ne riz pas s’il vous plait.
Mon dieu que la stupeur fut grande dès le début du film, lorsque je tombe nez à nez avec Bruce qui tatanne le futur inspecteur de shanghaï en slip et chausson, le tout sous l’œil alerte d’un vieux maître chinois plus grisonnant que nature !
À ce moment là —enfin, surtout après, lorsque ce dernier entame un dialogue pédagogique des plus instruisant avec son disciple— je me demande ce qu’il m’a pris d’avoir attribué au préalable la note de 7 au film. Le doublage, exécrable dans les premières minutes, me confortant dans cet élan de suspicion.
Pour l’anecdote, dans la V.F Bruce change par deux fois de voix, les doubleurs ayant sans doute fini par comprendre qu’ils suivaient une voie de garage (jeu de mots).
Alors oui, ça commence par du combat et du pastiche, ça parle en proverbes chinois, on boit du thé en balançant de la sous intrigue de ciné d’exploitation, et on a droit à une démonstration didactique des plus claquantes lorsque Lee inculque les rudiments du combat à un jaun… un jeune, pardon.
Alors oui franchement j’ai eu des doutes.
Et là : générique mes amis !
Des plans larges nous montrant une Hong Kong du début des années 70, déjà photogénique mais encore tellement loin de l’image véhiculée dans le cinéma local des années 90-2010 à laquelle nous sommes habitués. Je me sens partir, emporté par cet étrange mélange de passé et de modernisme pointant le bout du nez, quand soudain je sens que mon cul se met à se tortiller tout seul ; c’est normal c’est Schifrin aux baguettes chinoises. Et il me fait de suite plaisir le Lalo, mêlant mélodies 70’s sauce soja ; entendez par là rythmique jazzy, cocottes funky, et une pointe parfumée à l’Asie.
C’est pas tout. Alors qu’à un moment donné —une nuit blanche à travailler aidant— je ne comprends plus très bien pourquoi tout le monde veut aller se faire tirer le portrait chinois sur cette île (infiltration pour les renseignements, vengeance personnelle, tournoi d’arts martiaux, ou tout simplement pour les gonzesses?) ; je m’en tamponne parce que quelque chose opère. Ouais je revois tout un tas d’images enregistrées sur le disque dur de mon enfance.
Après La Fureur du Dragon, Bruce est encore cantonais… cantonné à montrer du poil de la bête face à un barbu. Je ne le savais pas encore en revoyant la scène, mais j’allai réciter simultanément au combat chaque mouvement de la chorégraphie, comme une poésie indélébile apprise à l’école primaire.
Ce coup de pied en salto arrière mazette !
Et puis ce salaud de Bolo Yeung qui pique une réplique à Bruce pour la ressortir 20 ans plus tard dans Bloodsports ! D’ailleurs je constate pour l’occasion que malgré toutes ses grimaces, il ne prendra pas une ride.
C’est le joyeux bordel cette critique parce qu’elle est à l’image du film, vous voyez.
C’est du bon ciné d’exploitation, de celui qui emprunte aux genres trop chers pour lui et qui en fait un pot pourri fauché mais plein de vie, bancal mais jamais casse gueule, mélangeant tronches connues, concepts jouissifs, petites pépés, instants cultes et iconoclastes.
Que j’ai ris en voyant Saxon lever la jambe, j’en entendais presque des bruits de charnières rouillées ! Que j’ai savouré ces idées glanées au cinéma d’espionnage : méchant mégalomane vivant en autarcie, sbires patibulaires, armes improbables et autre base secrète souterraine située au cœur d’une île ! Que j’ai aimé ce concept de tournoi d’art martiaux prétexte qui se termine en bourrine générale jusqu’à ce que l’armée invisible débarque trop tard !
Et excusez moi mais ce combat final dans la salle des miroirs c’est juste LA bonne idée de mise en scène qui mérite à elle seule les 5 premiers points de la note.
J’ai sans doute oublié de mentionner moult éléments : un Bruce parfois cabotin, des choré percutantes signées monsieur Lee, un black panther qui fait du karaté, de la tatane qui claque, du coup de pied burné, et l’appréciable fait de voir des gens s’envoyer en l’air et lever la jambe sans donner l’impression d’être posé sur un tuteur et suspendu à un cintre.
Bref, de la savate, pas de la pantoufle.