J'ai tendance à considérer que l'idée même du film choral ne se justifie que très rarement, les connexions étant généralement mince et artificielles, et peinant ainsi à faire d'un assemblage de sketches parfois franchement hétéroclites une oeuvre unique. Disons-le carrément, ce Oranges Sanguines coche à peu près toutes les cases en la matière, comme s'il se pliait à un exercice formaliste - en fin de cycle d'études? Ce qui m'avait mobilisé, c'est ce côté punk et sale gosse, où tout le monde en prend pour son grade, alors, je me suis dit pourquoi pas cette forme chorale, s'agissant d'un défouloir qui voudrait embrasser masse de personnages et de situations.
Commençons par le bon, car il y en a: le jeu des acteurs. C'est joué avec naturel, la plupart du temps, on en fait des caisses quand il le faut, bref, ça marche. Bien que gratuite (comme beaucoup d'autres choses dans le film), le discussion des filles autour du cul m'a paru vraiment authentique. Peut-être improvisée, qui sait? Il y a aussi quelques partis pris artistiques qui, sans être révolutionnaires, on donné du charme à l'ensemble: l'arrière-plan rouge pour la première fois de Louise, le look improbable fait à Fred Blin nourrissant aux baguettes un énorme sanglier (à moins que ce ne soit un cochon?)... Et même, parfois, quelques fulgurances de pertinence, comme le suicide de Laurence et Olivier, véritable jeu d'équilibriste entre gravité et prises de bec burlesques entre septuas, ou la sortie de Louise du tribunal, accueillie par une foule incongrue brandissant des pancartes féministes, prompte à récupérer politiquement cette affaire de vengance après un viol.
Poursuivons sur le moins bon (pour rester pudique). Parce qu'il y en a, et, soyons honnêtes, c'est sur les points les plus gênants, à savoir l'écriture, et ce que j'appellerais "l'état d'esprit", aspect fondateur d'un film qui promet d'y aller à balles réelles et de n'épargner personne. Sauf que, niveau cruauté, on a fait pire (oui, je songe à Delivrance), ou plus drôle, plus con. Plus tout. Le film et les situations exposées ne sont jamais à hauteur de la réputation sulfureuse que le film s'est écrit. Du coup, le jeu de massacre est convenu et prévisible, et donc pas choquant. Sérieux, qui, entre 15 et 20 ans, n'a jamais écrit une histoire comme ça, pour faire le malin ou se rendre intéressant aurpès des potes? Ce sentiment puéril m'a été renforcé par la gratuité totale de ces siutations. Si, en effet, on voit un MINEFI se faire sodomiser sauvagement par un dégénéré qui écrute "49-3", ça reste assez pipi-caca-prout, et y a pas vraiment de propos. Il y a bien 2-3 fulgurances (le scandale financier enterré, la banque intraitable et cupide), mais, tout sombe à plat. Le ministre corrompu puni par une sodomie sauvage sous opiacé, sérieux, on n'a pas trouvé mieux? Et la jeune fille de 16 ans qui se fait violer, c'est quoi, sa faute? D'avoir eu sa première fois dans l'après-midi? C'est hyper-punk, ça... Et les retraités qui se résignent à se suicider parce que, n'ayant pas été médaillés à leur concours de danse, ils ne pourront pas rembourser la banque? Ils n'ont pas été suffisamment prudents dans la gestion de leur argent? Bouaiffff, tout ça, c'est gratuit, on fait subir le pire à une victime, et puis voilà. Quant à l'humour, heu, comment dire? Le seul moment où j'ai ri est sans doute, aussi, le plus grave et le plus réussi: l'ultime dialogue des septuas alors qu'ils mettent fin à leurs jours. Sinon, pour le reste, c'est hyper-convenu, attendu, à un point tel que ça en devient gênant. Quant à l'image de fin, où, brisant le 4è mur, Louise adresse aux spectateurs un clin d'oeil, que nous dit-il? Que tout ça, c'est que du spectacle? Qu'elle est aussi monstrueuse que le taré qui l'a violée, et à qui elle a fait bouffer ses propres roubignoles? (NB: en fait, y en a une qui est dévorée par le carlin, parce que c'est si inattendu, si wow!)
Alors, que retenir de ce film? Bah, un casting trois étoiles, au service de sketches très inégaux, qui tiennent vaguement ensemble par du fil de soie, voire, par le Saint Esprit, et anmés par un esprit qui se rêve révolutionnaire et chamboule-tout, mais qui demeure extrêmement convenu, la réalisation, pour le moins fonctionnelle, renforçant cette impression d'un jeu de massacre sadique, gratuit et dénué de tout sous-texte sérieux.
Il me vient qu'il serait intéressant de le mettre en regard de "C'est arrivé prèsde chez vous" qui, à mes yeux, souffre du même problème (quoique ne se réfugiant pas derrière la forme chorale pour noyer le poisson).