7,75/10
La Palme d'or de Marcel Camus brille par l'intelligence de sa transposition du mythe orphéique dans le Brésil du XXème siècle, parvenant à respecter aussi bien la mort mystérieuse d'Eurydice que le voyage aux Enfers pour la retrouver, sa perte définitive et le drame final. A ceux qui protesteraient des effets grossiers de l'adaptation, comme le chien appelé "Cerbère" ou plus généralement les noms des personnages, on pourra répondre que l'un des principaux intérêts du film est son ambiguité : ne s'agit-il que d'une série d'évènements proche du mythe d'Orphée, ou l'histoire d'Orphée se reproduit-elle fidèlement, avec une présence plus rationnelle mais peut-être tout aussi mythique des protagonistes de l'Ancien temps ? Le film nous fait clairement pencher pour cette deuxième hypothèse, notamment par l'histoire de la transmission de l'instrument, qui passe d'un Orphée à un autre. Le choix du Brésil est également très bon, puisqu'il est le seul - ou l'un des très rares pays - à permettre encore ce genre d'onomastique, donc à légitimer la "grossièreté" de la transposition. Le point noir de ce grand film est (très subjectivement) l'omniprésence de la danse, qui se justifie de cent manières, mais toutes insuffisantes à nous éviter un certain ennui au cours de ces scènes d'une dizaine de minutes parfois où l'on ne fait que danser et chanter, et danser encore. Ce défaut essentiel fait regretter la beauté et l'intelligence d'un film que l'on aurait aimé pouvoir voir plus souvent. (critique de 2011)