Dur.
Le film se résume en une phrase: Une limace et un escargot traversent un champ de salade pour se retrouver au milieu et se tartiner de bave.
le 9 mars 2010
47 j'aime
2
Hertfordshire,fin du 17e Siècle.Les époux Bennet,petits hobereaux campagnards,ont du mal à joindre les deux bouts et comptent pour s'en sortir marier leurs cinq filles avec des hommes fortunés.Elizabeth,la deuxième du lot,est une jeune fille insolente et rebelle qui n'entend pas se laisser dicter sa conduite.Elle va tomber amoureuse du riche Darcy,un beau ténébreux au comportement abrupt,et entamer avec lui une longue relation platonique traversée de disputes et de malentendus.Le célèbre roman de Jane Austen,paru en 1813,a fait l'objet de nombreuses adaptations télévisuelles,en séries ou téléfilms,notamment pour la BBC,mais n'a curieusement suscité que deux versions ciné,celle-ci venant après un film américain de 1940.Porter Austen à l'écran pourquoi pas,mais faut que c'est bien mené,sous peine de sombrer dans l'ennui léthargique et de finir en PLS sur le canapé.On pouvait nourrir de légitimes inquiétudes quant à la présence de l'académique Joe Wright derrière la caméra mais le mec,dont c'était le premier long ciné,est foutrement inspiré sur ce coup.Loin de la pose hiératique et de la délectation morose,il propose une oeuvre joyeuse et dynamique,toujours en mouvement et utilisant à merveille les potentialités de décors superbes,intérieurs et extérieurs.Que ce soit dans la grande baraque sale et bordélique des Bennet ou dans leur cour de ferme,dans la campagne anglaise verdoyante souvent pluvieuse et parfois noyée dans la brume,ou dans les châteaux luxueux de la gentry où l'on prend le thé le petit doigt en l'air,sa caméra se faufile à travers les pièces avec une agilité surprenante et la réalisation s'adonne à une orgie de travellings et de panoramiques proprement euphorisante.De ce point de vue,les scènes de bals sont incroyables,la foule des danseurs et de ceux qui les entourent étant phénoménalement gérée,l'objectif allant ponctuellement cueillir au milieu de cet agglomérat les personnages importants avec une saisissante aisance.La direction artistique n'est pas pour rien dans cette efficacité esthétique et tous les postes sont tenus par des techniciens de haut niveau,de la décoratrice Sarah Greenwood à l'opérateur Roman Osin,en passant par le musicien Dario Marianelli,dont la partition accompagne génialement les images,et la costumière Jacqueline Durran.Il faut dire que c'est produit par la Working Title,souvent dans les bons coups du cinéma britannique.Quant à la scénariste Deborah Moggach,elle a effectué un magistral travail de précision.Les dialogues à fleurets mouchetés sont un véritable régal et l'évolution de l'intrigue est admirablement menée,le script parvenant en outre à faire exister tous les protagonistes pour au final dresser le portrait d'une société aux codes extrêmement rigides.Le mélange de sérieux et d'ironie,très équilibré,fonctionne parfaitement et rend justice au féminisme bien compris de Jane Austen.On comprend vite qu'au-delà des conventions c'est l'argent qui mène le jeu.Le patriarcat est de mise mais l'histoire nous montre que les femmes contribuent joyeusement à perpétuer les traditions,qu'il s'agisse des figures méprisantes de la haute société ou des représentantes de la classe moyenne avides de s'élever par le pognon.Ainsi les très jolies Jane et Elisabeth sont-elles rejetées par les snobs Lady Catherine et Caroline Bingley,peu désireuses de voir leurs neveu ou frère succomber à une mésalliance,alors même que les garçons sont amoureux et indifférents aux disparités sociales.Mme Bennet de son côté est une vraie mère maquerelle prête à vendre ses filles au plus offrant et les proposant sans vergogne à tout homme passant à proximité pourvu que sa bourse soit bien garnie.Les nanas elles-mêmes sont,à l'exception d'Elisabeth,de véritables hystériques soumises au système et lancées dans une chasse à l'homme débridée.Tout ceci n'est pas valorisant pour les mecs,réduits à l'état de gibier à plumer,mais eux au moins ont le pouvoir de décision car il est facile de moraliser son point de vue quand sa survie n'en dépend pas.D'ailleurs les ambigüités des uns et des autres sont pointées,comme quand les filles ridiculisent leur cousin Collins,un pasteur sinistre et peu gâté par la nature dont les avances sont repoussées par les deux aînées et qui se rabattra sur Charlotte,la meilleure amie d'Elisabeth,moins riche encore et moins jolie,qui elle ne peut se permettre de refuser ce mariage,ce qui donnera lieu à une superbe scène durant laquelle Charlotte,contente de son sort,se verra reprocher ce choix par Elisabeth,à qui elle rétorquera opportunément que toutes les jeunes filles ne peuvent s'autoriser à être romantiques.Et puis bien sûr,parcourant tout le film en filigrane,il y a cette histoire d'amour en pointillés entre Elisabeth et Darcy.Entre la jeune femme libre et anticonformiste et l'homme rigide et sombre,l'attirance est violente et immédiate même si aucun d'eux ne veut l'avouer tant ils sont différents.Ils ne vont faire que se croiser de loin en loin,volontairement ou non,avant de se rendre à l'évidence malgré une série de malentendus qui les séparent.La distribution est absolument fantastique avec en tête de liste une Keira Knightley magique en fille mutine,drôle et supérieurement intelligente confrontée à une société qui ne lui convient guère mais sauvée finalement par l'amour.Son boyfriend est le charismatique Matthew Macfadyen,qui donne une dimension extraordinaire à ce type qui aurait pu être un véritable boulet sans son interprétation surpuissante.Donald Sutherland fait étalage de son inaltérable classe dans le rôle du père Bennet,ce gars qui adore ses filles et voudrait juste être tranquille pour vaquer à ses occupations simples.Son épouse est jouée par Brenda Blethyn,qui en fait comme souvent beaucoup trop même si le personnage s'y prête.Les autres soeurs ont les traits de Rosamund Pike,Jena Malone,Carey Mulligan et Talulah Riley,rien que ça,alors que les méchantes sont incarnées par la vieille Judi Dench et la jeune Kelly Reilly.Claudie Blakley est magnifiquement émouvante dans le rôle de Charlotte alors que Rupert Friend en militaire hypocrite et immoral et Tom Hollander en cureton risible signent des performances mémorables.Si ce casting parait évident aujourd'hui,il faut noter que la production a eu du flair car nombreux sont ceux parmi ces comédiens qui n'étaient pas ou peu connus à l'époque.Il s'agit du premier film ciné de Mulligan et Riley,du second de Friend et Pike n'en était qu'à sa quatrième apparition sur grand écran.
Créée
le 27 févr. 2022
Critique lue 637 fois
14 j'aime
27 commentaires
D'autres avis sur Orgueil & Préjugés
Le film se résume en une phrase: Une limace et un escargot traversent un champ de salade pour se retrouver au milieu et se tartiner de bave.
le 9 mars 2010
47 j'aime
2
J'ai été horrifiée par cette adaptation, moi qui suis une fan acharnée du bouquin d'origine, mon livre de chevet favori et mon anti-déprime le plus efficace. J'avais adoré l'adaptation de la BBC,...
Par
le 24 sept. 2010
36 j'aime
6
Film de minettes par excellence sur SC, je me suis laissée tenter par Orgueils et Préjugés, pour deux raisons. La première c’est Keira dont j’ai vu une douzaine de films et que j’apprécie beaucoup...
le 31 mai 2013
22 j'aime
2
Du même critique
Earl Stone,vieil horticulteur ruiné,accepte de convoyer de la drogue pour le compte d'un cartel mexicain,mais le gang a la DEA sur le râble.Clint Eastwood produit le film avec sa compagnie,la...
Par
le 25 mars 2021
30 j'aime
9
12e Siècle,pendant la Troisième Croisade.Robin de Locksley,jeune noble anglais parti guerroyer avec les troupes de Richard Coeur de Lion,est prisonnier des arabes à Jérusalem.Il parvient à s'évader...
Par
le 3 oct. 2022
28 j'aime
22
Un écrivain anglais raté décroche le pactole lorsqu'il est embauché pour rédiger les mémoires d'Adam Lang,ex premier ministre britannique très médiatique.Il se rend dans la propriété du...
Par
le 14 nov. 2021
27 j'aime
8