La carrière de Shinoda est moins distribué en occident après Silence, ce qui est fort regrettable en découvrant cette Orin la proscrite, très beau drame à la fois lumineux et tragique, sans être fataliste, résignée ni mélodramatique.
Le cinéaste ne choisit pas la facilité en optant pour une narration complexe où la première heure multiplie les flash-backs (pas nécessairement linéaire) tandis que le sujet est tout de même osé avec le destin d'une femme aveugle, abandonnée de nombreuses fois, abusée par les hommes, trahie, profondément seule, à qui on refuse même les élans de tendresses et de passions pour des codes jamais explicités ou des raisons absurdes. Sa douleur reste intériorisée, indissociable de son existence, une malédiction qu'elle porte dès sa naissance, comme sa cécité. Parfois ce fardeau la submerge et l'injustice comme la peur la terrifient. Mais souvent, elle accepte son destin sans se plaindre, parfois avec le sourire. Son handicap la situe de plus inévitablement en dehors des conventions sociales, de la bienséance et de la moralité. Ce qui n'arrange rien à sa marginalité. Orin est ainsi une femme qui n'a pour ainsi dire jamais l'opportunité de vivre pleinement sa féminité, ses désirs et sa sexualité. Et quand c'est le cas, on l'écrase immédiatement de remords et de culpabilité.
Tous ces éléments en font un œuvre riche, dense, complexe qui pourrait s'inscrire dans la continuité d'un Mizoguchi - clin d'oeil à L'intendant Sansho inclus. Pour autant, et même si la forme semble à première vue emprunt de classicisme (tourné en 4/3, de très beaux chants traditionnels et la présence de l'immense Kazuo Miyagawa à la photographie couleur), son montage, la gestion des l'espace et son sens du cadre témoignent toujours d'un désir de recherches graphiques qui tendent presque vers l'abstraction. C'est principalement le cas lors de la dernière partie si on s'attarde à la stricte construction des plans, des espaces vides et des lignes. Ce n'est en rien un hasard vu l'évolution de l'héroïne et si la démarche n'est pas aussi radicale que chez Akio Jissoji, il y a une indéniable maturité formelle qui ne choisit pas entre la modernité et la sobriété sereine.


Un vibrant portrait de femme porté par la présence magnétique de Shima Iwashita, parsemé de moments touchants, légers et poignants, qui refuse le pathos, jusque dans les passages les plus durs (le suicide d'une grand-mère et de sa petite-fille ; et tout le dernier tiers de manière générale).
Le trio Shinoda-Miyagawa-Iwashita a raflé de nombreux prix au Japon amplement mérités. Il serait temps de les rappeler au public contemporain. Un blu-ray est sorti au Japon, espérons que ça suive dans d'autres pays - avec des sous-titres.

anthonyplu
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le 23 mars 2019

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anthonyplu

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