Orozco the Embalmer
6.5
Orozco the Embalmer

Documentaire de Kiyotaka Tsurisaki (2001)

Immersion chez un embaumeur de l’extrême, des images rares, qui vous marquent la rétine au fer rouge

Tsurisaki Kiyotaka est un homme atypique, c’est le moins que l’on puisse dire. Après avoir démarré comme réalisateur de films X, il s’est spécialisé dans la photographie… mais pas n’importe laquelle, les photos de cadavres (!), parcourant la Terre entière, de conflits en conflits, pour shooter les morts qu’il croise sur sa route.

Quoi de plus naturel que de le voir aux commandes de ce documentaire particulièrement écoeurant et éprouvant et pour cause, il a filmé le quotidien de Froilan Orozco Duarte, un ancien policier devenu embaumeur (ou thanatopracteur) aux techniques des plus… artisanales (qui ne se soucie guère des règles d’hygiène) et qui aura préparé plus de 50 000 cadavres en 40ans de profession (il est décédé pendant le tournage). mes sensibles s’abstenir (!), car pendant près de 90min, on assiste à des images particulièrement abjectes et vomitives, dans la droite lignée de The Act of Seeing with One's Own Eye (1971) de Stan Brakhage.

Orozco the Embalmer (2001) nous emmène dans le quartier défavorisé de El Cartucho, en banlieue de Bogota au funérarium El Divino Rostro à la rencontre d’un embaumeur comme on ne l’aurait jamais imaginé, ce dernier utilise des outils rudimentaires (parfois rouillés) et exerce dans un atelier insalubre. Il passe ses journées à recevoir des cadavres pour les embaumer. La routine d’Orozco nous est dévoilée sans fioriture, tout y est montré, rien n’est flouté, pas même le visage des cadavres. Les éviscérations et les trépanations s’enchaînent à un rythme métronomique sur des corps malmenés (blessés par balles, déchiquetés ou décapités).

Rien n’est suggéré, tout est montré face caméra pour le plus grand bonheur de son réalisateur

(dès la 7ème minute on assiste à l’éviscération d’une femme, dès la 10ème, on est confronté au cadavre d’un nourrisson. On le voit éviscérer une femme, rincer sa carcasse, mettre ses organes dans un énorme sac plastique qu’il replace à l’intérieur de son abdomen et qu’il referme en faisant une vulgaire couture avec du fil).

Les dépouilles s’enchaînent sous nos yeux, il n’a pas le temps d’y mettre les formes ou de les traiter avec douceur

(sur une femme, on le voit lui retourner la peau du visage comme une vulgaire chaussette, où il insert des feuilles de journaux dans la boite crânienne, afin de reconstituer le cerveau manquant pour permettre la suture),

les gestes sont toujours les mêmes : il sort les viscères, les lave et les replace dans le corps (des chiffons sont mis dans la cavité abdominale pour reformer le corps) et suture le tout avec une grosse aiguille et du gros fil. Les femmes sont peignées tandis que les hommes sont rasés de près. Certains cadavres sont salement amochés (comme ce type au crâne défoncé et les viscères à l’air, on apprendra plus tard qu’en ramassant le corps en pleine rue, ils ont tout simplement tout remis dans son abdomen, les viscères et le cerveau).

Les scènes macabres sont alternées avec des scènes de la vie quotidienne à Bogota (à savoir la pauvreté et la misère), rien de très gaie mais cela permet de reprendre notre souffle entre deux éviscérations. On apprend que ça coûte entre 30 et 40$ pour “restaurer” un cadavre avant l’inhumation (le nettoyer, remettre les viscères, recoudre et habiller le défunt).

Les images sont barbares et en même temps, elle témoigne d’une triste réalité (un pays qui suffoque dans la pauvreté et la violence avec ses ghettos, ses bidonvilles et ses laissés pour compte). On se dit que grâce au travail d’Orozco et de ses confrères, les petites gens ont au moins droit à une belle inhumation, leurs dépouilles ne finiront pas dans un caniveau. Tsurisaki Kiyotaka filme la barbarie comme rarement nous aurons été confronté, des images rares et qui vous marquent la rétine au fer rouge.

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le 25 oct. 2023

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