Je n'avais qu'une vague idée de ce qui s'était tramé derrière les fameux accords d'Oslo. La honte, je sais, mais on ne peut pas suivre tous les feuilletons de l'actualité en temps réel... heureusement, le cinéma s'attache parfois à réparer ces coupables omissions. Ce film retrace donc les négociations secrètes, par un canal non-officiel, entre israéliens et palestiniens, en Suède, pauvres d'eux. Un couple propose, par le biais d'une fondation privée, de faire se rencontrer deux délégations des frères ennemis du Moyen-Orient, dans le but de désamorcer la mécanique d'un conflit qui s'annonçait sans fin. Le succès sur le fil de ces manœuvres délicates, qui ont failli échouer vingt fois, est bien sûr tout relatif, et il suffit d'écouter la radio cinq minutes pour constater que la paix est encore bien loin d'être instaurée dans cette région du monde, qui cristallise toutes les difficultés que notre espèce éprouve à faire la paix avec elle-même. Car il s'agissait bien de cela, à Oslo : de dépouiller les hommes de leurs spécificités culturelles pour mettre en présence de véritables personnes. L'alcool aidant. Et c'est la grande leçon de ce film qui rappelle dans l'esprit le Adults in the room de Costa Gavras : nos grands hommes sont des hommes et c'est une erreur qu'on n'a pas fini de regretter amèrement que de confier à des hommes le destin des peuples. Il y a forcément une meilleure idée quelque part, parce que celle-là avait fait son temps il y a déjà des siècles, pour ne pas dire des millénaires. Ces bonshommes prétentieux, va-t-en-guerre et craintifs à la fois, pleins de principes en acier trempé et de failles personnelles ont plombé le destin de leurs semblables et continuent à le faire sans qu'on remette le moins du monde en cause leur hégémonie mortifère. Au moins quelques auteurs commencent-ils à démonter cette mécanique fatale. Avec un peu d'optimisme, on peut voir là un premier pas vers notre libération à tous. Et espérer qu'un jour des concepts abstraits comme les frontières ou la dette finiront pas sembler dérisoires et dépassés. Espérons vivre assez longtemps pour voir l'amorce concrète de ces réflexions cinématographiques... En tout cas, ça vaut le coup de s'embarquer dans ce long face-à-face très cinégénique, en forme de huis-clos à peine troublé par quelques flashbacks onirico-guerriers. La tension grimpe progressivement et je me demande quelle est la part de fiction dans ces entretiens sous haute tension. Se peut-il que la haine ait été désamorcée aussi facilement certaines fois, grâce à l'évocation d'un père ou d'un deuil ? Le chagrin le dispute à la vengeance, et l'arrivée des huiles, à la toute fin du processus, est finalement la partie la plus glaçante de l'histoire : des stratèges froids comme l'acier, rompus aux rapports de force, qui jouent des parties dont eux seuls fixent les règles et se reconnaissent entre pairs... de vrais malades. Bref, une petite fable édifiante, si on veut le voir comme ça.