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Pour les amateurs de l’agent le plus beauf de France, le retour aux affaires ne pouvait que réjouir, et il n’y avait pas trop à craindre de voir Nicolas Bedos prendre le relai de Michel Hazanivicius...
le 4 août 2021
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Il y a onze ans, nous laissions Hubert Bonisseur de la Bath raciste, sexiste et profondément abruti. Depuis tout ce temps, bien des choses ont changé en ce qui concerne les modes de pensée ou d’écriture comique. Relancer OSS 117 était un pari fort, acceptant de revenir à un humour corrosif, qui embrasse le point de vue et les valeurs abjectes de la Vieille France afin de mieux s’en moquer. En somme, comment transcrire aujourd'hui un humour aussi glissant, alors que le public moderne très frileux tend davantage à confondre les propos d'un personnage fictionnel avec ceux de son auteur ? Et surtout, sans Hazanavicius à la barre, ayant quitté le projet en 2018 pour être remplacé par Nicolas Bedos, qui d'autre aurait su mettre en images la verve de Jean-François Hallin et son fragile équilibre ?
Alerte rouge en Afrique noire, titre de ce troisième opus, mettant notre agent français en prise avec un réseau rebelle africain, était ainsi l’objet de toutes les attentes et inquiétudes, devant opérer la lourde tâche d’égaler ses deux prédécesseurs et de ne jamais perdre le propos originel de la série. Hélas, le médiocre résultat met vite court à nos espoirs les plus fous.
Malgré la controverse qu’il a engendrée, le choix de Nicolas Bedos pour diriger cette Alerte rouge en Afrique noire n’était pas des plus irraisonnés. Amateur du rétro et des grands mouvements d’appareils, le cinéaste semblait tout désigné pour cette lourde tâche, qui nécessitait un goût certain pour le désuet et une approche esthétique différente, époque oblige. L’introduction du film donne presque raison à ce choix et aligne quelques jolis travellings sur un moment de bravoure suffisamment bien orchestré pour convaincre le tout-venant. L’intention est claire : couper net le cordon avec la fixité hitchcockienne des premiers pour adopter une approche plus agitée, lorgnant du côté de Zemeckis, Spielberg ou autres artisans hollywoodiens des années 80.
Seulement, ce nouvel OSS 117 semble rapidement oublier que les intentions ne font pas un film et qu’il faut suffisamment les mettre en œuvre pour qu’elles puissent exister. Au-delà du postulat technique alléchant, Alerte rouge en Afrique noire est surtout un soufflé total, accouchant de toutes ses idées dès les premières minutes. Passées celles-ci, Bedos fait un surplace embarrassant et emballe le tout avec la fainéantise d’un (tout juste) bon faiseur, contrastant drastiquement avec les gestes inspirés et énergiques de Monsieur & Madame Adelman ou La Belle Époque. Oubliez le découpage acéré des dialogues du premier ou les visions tendrement nostalgiques du second, puisque le cinéaste semble désormais plus concentré à capturer le cabotinage de Dujardin plutôt qu’à traduire une quelconque ambition de pastiche ou d’humour visuel. Les quelques travellings, jolis effets d’éclairage ou autres sursauts d’énergie ne ressemblent plus qu’à de vaines tentatives de rallumer la flamme d’antan, malheureusement bien affaiblie, mais jamais comme une étude maline des codes esthétiques de la décennie qu’il pastiche, qui sont finalement à peine repris.
De cette mise en scène en sous-régime, le rythme en pâtit. Tandis que Hazanivius menait son spectacle tambour battant, ce nouveau volet traîne la patte. Bedos n’arrive jamais à retrouver un tempo idéal, qui faisait la si grande force des deux premiers opus, et se coltine qui plus est trente minutes supplémentaires, totalement dispensables. On pouvait penser que cette longueur accrue serait l’occasion de pousser le récit dans des retranchements plus complexes, mais pourtant, il n’en est rien et c’est même tout le contraire qui se produit ici. Toujours scénarisé par Hallin, nous ayant encore récemment servi la très sympathique série Au service de la France, Alerte rouge en Afrique noire perd étrangement une grande partie de la précision d’écriture du Caire, nid d’espions ou de Rio ne répond plus, à commencer par l’intrigue, porteuse de mille promesses, mais ne se limitant qu’à une faible poignée de péripéties déjà-vus dans les précédents et survolant à peu près tout enjeu ou personnage. La construction erratique de l’ensemble ne vient en aucun cas corriger le tir. Ici, les silences ou autres regards gênés étendus jusqu’à l’extrême disparaissent, car le long-métrage cherche pertinemment à élaguer n’importe quelle situation, lui réduisant en conséquence son potentiel comique pour se restreindre à des échanges quelques fois drolatiques, mais jamais hilarants, subtils ou exploités à leur plein potentiel. Au fil des secondes et des gags qui tombent à plat, c’est plus l’espoir d’un rattrapage miraculeux qui vient motiver notre visionnage ; rattrapage qui malheureusement ne viendra jamais, le film s’affaissant peu à peu pour s’écrouler platement dans un final ridiculement expédié.
Pourtant pas avare en idées séduisantes sur le papier, ce troisième OSS 117 se retrouve du coup incapable de les mettre en pratique. Pire, il abandonne la plupart sur le bord de la route, lorsqu’il décide notamment de démystifier progressivement son personnage principal et de l’opposer à une nouvelle génération, incarnée par Pierre Niney. Choc des générations, mise en exergue de la ringardise du protagoniste ou de son homosexualité refoulée, Hallin et Bedos lancent de nombreuses pistes, qui pourraient dériver sur une déconstruction des codes de la série, mais finissent toutes par les jeter par-dessus bord, par peur de s’éloigner du matériau originel.
C’est ici que réside le principal problème de cet opus, finalement symptomatique d’un bon nombre de suites modernes. Face au poids trop écrasant de ses deux modèles, tout le projet Alerte rouge en Afrique noire se résigne progressivement à n’importe quelle forme d’innovation et évolue dans une zone de confort fatigante, faisant des rappels incessants aux deux premiers films pour contenter un fan qui se sentira en terrain connu et tuant tous les embryons d’idées pour ne pas froisser celui-ci. Ainsi, les éclats de rire des premiers sont troqués par de pauvres soufflements de nez, l’impression d’assister à un pastiche qui se parodie lui-même finit presque par l’emporter et, les lumières de la salle enfin rallumées, ne reste plus que l’envie de marmonner : Désolé Hubert, mais la blanquette n’était pas fameuse.
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Créée
le 2 août 2021
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