Lorsqu’un créatif s’interroge sur l’épineuse question de la comédie française, doit impérativement figurer dans sa Bible le cas OSS 117 : un film français, drôle, populaire et qui tient toutes ses promesses.


Comment est-ce possible ?
Tout d’abord, très probablement pour son identité nationale : OSS ne cherche pas à imiter un modèle, mais se révèle au contraire un film profondément français, faisant de cette touche tout le cœur de son comique : Hubert Bonisseur de la bath est le porte-parole de toute la médiocrité hexagonale, et dresse le portrait anti-idéal de ses pairs : raciste, sexiste, infantile, mais soucieux des apparences. Cette méchanceté potache trouve sa parfaite expression dans l’écrin délicieusement rétro des sixties, et l’aveuglement d’une époque révolue : on se gausse des prétentions féminines à l’émancipation et prédit un avenir à très court terme pour l’islam, tout en pensant inébranlable la puissance coloniale française.


Après ses délires régressifs du grand détournement dans La Classe américaine, Hazanavicius passe réellement au long métrage, et insuffle son gout de l’absurde dans un récit formaté à souhait. Le charme du film provient aussi de la portée de la parodie : s’il est cinglant avec l’esprit français, il est beaucoup plus tendre avec le genre cinématographie : couleurs éclatantes, jeux sur les clichés, personnages caricaturaux, rien ne manque à cette énième version d’un James Bond qui paie son tribu au cinéma américain des sixties, Hitchcock en tête, à grand renfort de références d’avantage du côté de l’hommage que de la moquerie.


Formellement, le film est une carte postale d’un autre temps qui exploite tout ce que le vintage peut avoir de savoureux : les femmes sont belles, les espions patibulaires, les costards impeccables, et la coiffure se fait un tournemain. Et, bien évidemment, on danse comme des dieux.
Sur ce canevas bigarré aux allures de fête, l’écriture vient renforcer l’édifice : les dialogues sont instantanément cultes, entre la bêtise assumée (« Vous êtes très français, au fond. » « – Merci ! ») et l’absurde le plus débridé (« C’est vous, « arrêtez » ! »), et les situations loufoques se permettent à peu près tout, du combat de poules vivantes à l’apnée la plus longue de l’histoire.


Dujardin, qui a commis Brice de Nice l’année précédente, trouve enfin un rôle à sa mesure, et peut marcher dans les traces d’un de ses prestigieux ainés, à savoir le Belmondo d’un autre grand film bigarré, L’homme de Rio. On reconnait un grand comédien à sa plasticité : le visage de Dujardin est en cela une palette inépuisable, et la seule inflexion de ses sourcils permet de passer du sérieux le plus classieux à l'imbécillité la plus hilarante. Il suffit de le voir réfléchir pour répéter les analyses de sa comparse, ou devenir lubrique lorsque le combat des femmes dévie vers le catch en sous-vêtements pour s’en convaincre.


Tout est question d’alchimie : OSS 117 est surtout le fruit d’une rencontre idéale : celle d’un trublion en écriture et du comédien parfait pour incarner ses facéties.


(7.5/10)

Créée

le 22 mars 2018

Critique lue 3.1K fois

105 j'aime

5 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 3.1K fois

105
5

D'autres avis sur OSS 117 - Le Caire, nid d'espions

OSS 117 - Le Caire, nid d'espions
Clément
8

Fonce Sliman, fonce !

La plus grande comédie française ? Les tontons flingueurs. La seconde ? Je suis pas loin de penser que ça pourrait être cet OSS 117 au Caire. Petit bijou d'écriture, à la fois en terme de situations...

le 24 juil. 2010

102 j'aime

7

OSS 117 - Le Caire, nid d'espions
Hypérion
8

Votez René Coty !

OSS 117, le meilleur film d'espionnage français. Tout le film repose sur un subtil décalage des codes éternels du film d'espionnage des années 50. Pour bien se fondre dans l'ambiance, un effort...

le 24 mars 2011

79 j'aime

3

OSS 117 - Le Caire, nid d'espions
B_Jérémy
8

Ḥabit twazwaz yâ l-bulbul « Bambino, bambino ! »

- Je vous conduis ?- Je n’ai jamais pu refuser quoi que ce soit d’une brune aux yeux marrons.- Et si j’étais blonde aux yeux bleus ?- Cela ne changerait rien, vous êtes mon type de femme, Larmina.-...

le 25 mars 2024

71 j'aime

76

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

617 j'aime

53