On prend le même et on recommence. Fort du succès du Caire, nid d’espions, le tandem Hazanavicius / Dujardin remet le couvert, direction le Brésil et les nazis.


Le moins qu’on puisse dire est que la formule est encore fertile. Exemple assez rare d’une suite tout aussi sémillante que le premier volet, Rio ne répond plus semble affirmer que l’écriture et le jeu des compères sortent d’une corne d’abondance : les vannes pleuvent et l’esprit OSS 117 se déploie avec jubilation.


On retrouve donc cette alliance plus fine qu’elle n’y parait entre la franchouillardise et les délires absurdes, pour une nouvelle aventure qui singe les récits d’espionnage les plus éculés. Après avoir suscité le malaise dans sa vision de l’islam, voilà Bonisseur qui piétine le terrain miné de l’antisémitisme, en relevant le défi de le mêler à un sexisme chez lui viscéral. On retiendra notamment la réplique imparable à la sculpturale agent du Mossad lui annonçant vouloir travailler avec lui « d’égal à égal » : « On en reparlera quand il faudra porter quelque chose de lourd ».


Le récit est truffé d’idées, certaines fonctionnant certes moins que d’autres, mais qui étonnent tout de même par leur débit : pas un plan sans gag, pas un personnage qui ne soit écrit au service du comique, du fils de nazi hippie à l’américain jurant comme un charretier, du patron Bellemare amateur de gadgets inutiles au running gag sur les frères du chinois tué à Gstaad, sorte de relecture de la vengeance ourdie par Inigo Montoya dans Princess Bride. C’est souvent dans les détails que l’humour se révèle le plus percutant, à l’image de cette banale scène d’arrivée au bureau durant laquelle Bonisseur découvre et utilise n’importe comment l’expression « comme un lundi » avant de se laisser aller un name dropping aussi déconcertant qu’hilarant.


Hazanavicius livre ici une des recettes de son comique : traquer un procédé d’écriture (une expression, un ressort de l’exposition visant, pour l’effet de réel, à nommer des personnages qui apparaîtront pas à l’écran), l’isoler et en faire une expansion décalée. Le film entier repose sur ce principe.


Visuellement, le cinéaste se fait tout aussi plaisir : Hazanavicius est un formaliste cinéphile, qui pastiche avec jubilation : dès La Classe américaine, il prend le matériau existant et le tord avec une petite insolence d’enfant cultivé mais dénué de sagesse : on retrouvera le même principe dans son hommage au film muet (The Artist) et sa visite décomplexée au cinéma de Godard (Le Redoutable). Ici, les dorures des 70’s et le split-screen à gogo s’accordent à merveille à l’exotisme brésilien de carte postale.


Dujardin n’a rien d’autre à faire que de s’approprier les répliques au cordeau qu’on lui offre : il est toujours aussi génial, et s’attelle à propager son enthousiasme. Déguisé en Robin des Bois, en col roulé à la montagne, ou en Indiana Jones bas de gamme tentant de rôtir un croco à la broche, il bondit d’une lourdeur à une autre, évite les balles comme personne et y répond par des rafales ininterrompues de vannes.


A l’heure où se profile un troisième volet, tout est à craindre : Hazanavicius s’en désolidarise parce qu’il n’aime pas son scénario. Rude épreuve que celle de voir Dujardin gérer seul ce matériau qu’on peut désormais considérer comme un patrimoine national.

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le 23 mars 2018

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Sergent_Pepper

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