En écrivant son livre Osterman Weekend, il est curieux et glaçant de constater que Robert Ludlum a prophétisé l'arrivée, presque 30 ans avant notre ère, de la télé réalité et la naissance de Benjamin Castaldi. Les recettes y sont les mêmes : isolement, enfermement, secrets, mission à remplir, deus ex machina, coups de gueule, caméra voyeuriste et inquisitrice, constance et régularité des rebondissements.
Ce week end entre espions tournera vite à la paranoïa qui dévore des individus embrigadés, manipulés, instrumentalisés par des nations qui avancent leurs pions sur l'échiquier mondial. Mettre des pièces hors jeu ou les changer de couleur pour les rallier à sa cause. La tension et le caractère anxiogène de la situation montent peu à peu, entre soupçon réciproque et attirance sexuelle, tandis que le deus ex machina prend un plaisir non dissimulé à garder ses victimes en laisse pour nourrir son jeu de massacre. Omniprésent, omniscient, il traque ses souris impuissantes et ignorantes du sort qui leur sera réservé.
Si le film accuse le poids des ans, la critique d'Osterman Week-End de cette manipulation au niveau international se montre toujours très actuelle, même si l'identité de certains acteurs de ces machinations ont changé. Cette villa des secrets (oups...) est vue comme une Amérique en réduction, mais c'est surtout une vision de ses habitants épiés et constamment sous surveillance réalisée par les différentes agences du renseignement, tandis que les médias maintiennent les citoyens dans leur état d'ignorance bienheureuse. A l'abri des regards, la traque des ennemis de l'intérieur, elle, peut avoir lieu en toute liberté.
Si Sam Peckinpah a perdu un peu de sa superbe au niveau mise en scène, sa troupe, John Hurt et Rutger Hauer en tête, incarne à la perfection cette vérité et cette morale brouillées, ces mensonges et ces manipulations. Les acteurs, les agences, les médias et les états protagonistes de la guerre froide n'en ressortent pas grandis.
On entendrait presque, en clôture de l'oeuvre, une voix impersonnelle et feutrée dans une intonation ferme nous dire "C'est tout... Pour le moment".