Tiré de l'oeuvre d'Herman Wouk, ce film dont le titre original est plus explicite, est un des derniers de Humphrey Bogart, il est déjà fatigué et usé par la maladie, mais il livre une prestation remarquable, acquérant une prodigieuse dimension humaine malgré la réelle antipathie de son personnage de commandant Queeg. Pour une fois, Bogart s'effondrait, ce n'était pas dans ses rôles habituels, le mythe en prenait un coup, le héros des polars noirs en était réduit à un rôle de débris, de loque humaine, on le voit craquer pendant le procès, en se trompant, se troublant devant les questions pertinentes de Greenwald (incarné par José Ferrer) et jouant maladivement avec 2 billes d'acier ; il fut nommé pour l'Oscar en 1954 mais fut battu par Marlon Brando pour Sur les quais.
Le film se compose de 2 parties distinctes : la première relate la vie à bord du Caine, vieux dragueur de mines de la Seconde guerre mondiale, et les circonstances qui amènent le second, Maryk (incarné par Van Johnson) à remplacer Queeg. La seconde est un véritable huis-clos, le procès de Maryk accusé de mutinerie. Les personnages sont donc définis de façon simple, avec un commandant maniaque et à demi-fou et un groupe de jeunes officiers idéalistes, mais la vérité va se révéler plus complexe.
On y voyait un commandant perdre les pédales et s'intéresser à des punitions trop dures pour sanctionner un vol de fraises, puis s'effondrer devant un tribunal militaire, et un officier qui par lâcheté, décidait de se rétracter en reniant ses promesses, autant dire que ça ne donnait pas une image reluisante de la marine américaine, et d'ailleurs, la Marine s'opposa au tournage de ce film pendant plus d'un an mais finit par céder. Il n'est pas inutile de savoir que le réalisateur Edward Dmytryk avait craqué lui aussi devant la commission des activités anti-américaines pendant la "chasse aux sorcières", et qu'il donna des noms ; aussi, le film qui se pose comme une réflexion sur le courage et la lâcheté, prend-il une singulière résonance en dénonçant ce qui pourrait arriver à un officier : incapacité, mesquinerie, incompréhension, entêtement.
L'interprétation est de premier ordre et sert à merveille le film, avec un Bogart méconnaissable, mais aussi l'énergique Van Johnson, l'intransigeant procureur joué par l'excellent José Ferrer, et Fred MacMurray dans le rôle ingrat de l'officier lâche et opportuniste ; dans les troisièmes rôles, on remarque le jeune Lee Marvin déjà tête brûlée, en compagnie de Claude Akins.
Un solide film dont le seul défaut réside dans les scènes sentimentales totalement inutiles.