Dans un monde idéal, Takeshi Kitano aurait fait, encore une fois Hana Bi. Cela aurait satisfait beaucoup de gens. Le changement de ton depuis dix ans des films de Kitano a déçu presque tout le monde, son public s'est rétréci. Bref, plus personne n'attendait un nouveau film depuis bien longtemps. On ne sait pas ce qui se serait passé s'il avait continué à faire encore une fois ces mêmes films noirs, sans doute aurait-on dit qu'il ne parvenait pas à se renouveler. Là est le dur sort des cinéastes inspirés et reconnus.
Avec Outrage, Takeshi Kitano revient à ses premières gloires. Le cinéaste est devant la caméra dans son personnage d'Otomo, un yakuza modeste, flegmatique et violent. Il travaille pour le clan d'Ikemoto (Jun Kunimura) qui s'est rendu à une grande réunion entre mafieux alliés. Réunion qui a lieu dans la villa de bord de mer du Grand Patron qui règne sans partage. Ikemoto a une alliance avec Murase (Renji Ishibashi) ce qui déplait au Grand Patron. Selon ce dernier, il doit rompre avec son « frère » ou, au moins, provoquer une dispute entre les clans. Murase refuse de payer sa part au Grand Patron et celui-ci vise son territoire.
C'est Otomo qui sera chargé d'agresser Murase et bien sûr, il ne va pas y aller avec le dos de la cuiller. Le clan de Ikemoto monte un bureau dans le quartier de Murase. Ils envoient dans son bar, un de leurs hommes qui se fait racketter. L'homme accepte de payer mais doit chercher l'argent dans son bureau. Là, il est reçu comme il faut. Murase doit s'excuser et demande à son sous-fifre auteur du racket de se couper un doigt. Mais Otomo tranche avec un couteau le visage d'un autre membre de Murase.
Chacun va devoir s'excuser à l'autre tout en commettant des horreurs à d'autres. On coupe des doigts, méthode classique mais qui est désormais jugée comme dépassé. Finalement, ce que l'on pense du film de yakuza, genre fécond il y a quelques décennies et qui ne réserve que peu de surprise aujourd'hui, si ce n'est chez certains irréductibles (une idée de l'immaturité ?). On triture une bouche avec la fraise d'un dentiste. On plante des baguettes dans le tympan. Là, on retrouve le Kitano qu'on aimait où le montage brutal fait des merveilles.
C'est un film désespéré où peu survivront. La morale n'a pas de place. De ce point de vue, Takeshi Kitano n'a pas l'hypocrisie de donner un scénario où les yakuzas auraient le beau rôle. Au contraire, les rouages de l'organisation qu'il autopsie montre un monde de vulgarité, d'égoïsme et de mensonge. Un vrai monde dégueulasse. Les tableaux qui illustraient Hana Bi, ses couleurs ont disparus. La couleur dominante est le gris. Tout l'espace est envahit par la grisaille et le désespoir. Alors, Outrage marque-t-il un retour plaisant de Kitano ? D'une certaine manière, la réponse est positive puisque son film est celui d'un homme plus mûr sur le sujet, mais c'est ce désespoir s'accompagne d'une absence totale d'humour. C'est ce qui faisait passer ses autres films et qui que Outrage est si décrié.