3h de vanité conceptuelle, filmée avec les contraintes du documentaire mais sans la magie de l’authenticité ni la valeur informative de l’exercice. L’ambition esthétique colorée tend vers un classicisme soigné, qui n’arrivera pourtant jamais ni à toucher NI à l’intériorité existentielle de ce pantin politique assez pathétique, NI à sublimer le potentiel expressionniste de ces extérieurs naturels, ici purement décoratifs, au lieu de devenir un paysage mental comme tout bon film de jungle.
C’est quand même parfois beau. Beau comme un couché de soleil de calendrier Club med, accroché dans le bureau de Marie-Chantal de la compta au sixième, à seulement six mois de la retraite : un vestige d’un imaginaire périmé punaisé là depuis 1986.
Tout respire le paternalisme colonialiste et voyeuriste. La non mise en scène est d’une platitude aussi ennuyeuse que les répliques de son personnage, à qui la critique attribue une captivante quête paranoïaque, mais pantouflage incompétent serait peut être plus proche de son errance absolument pas métaphysique.
Magimel s’en sort un peu mieux que Lindon, qui avait eu lui aussi une malheureuse palme d’or pour une performance équivalente, selon moi bien plus désynchronisée dans La Loi Du Marché, en donnant la réplique à des acteurs non professionnels : ici Benoit a l’intelligence d’être moins soucieux de sa performance que Vincent. Remarquable dans l’exercie, ici de trouver une justesse dans un flottement d’une indigence tropicoqueer décevante - bien qu’il fasse un peu pitié tout boudiné et tout suant dans son costume blanc, qu’il ne cesse d’ailleurs de tripoter a le boutonner/déboutonner comme lors de ses discours de récompense sur scène, peut être trop conscient qu’il est de son surpoids depuis sa desintox à la coco, ou pour dissimuler son alcoolisme à la gégé depardieu que sais-je, cela ne nous regarde pas.
Il s’en sort donc très bien vu le contexte. J’entendais une journaliste de Télérama dire qu’il avait été récompensé pour célébrer l’acteur en tant que co-scénariste du film. J’aime beaucoup l’idée. Quand il y a un scénariste.
Donc c’est maigre tout ça. Aucune irruption du réel, ni du fantastique : aucun dérèglement de l’image, aucune étude d’effondrement psychologique face aux forces de la nature, de l’impro qui n’est que langue de bois, entre prudence et inepties (« Tout est fait par passion. Moi je suis passionné.» « A chaque vol au dessus de notre île c’est comme la première fois. Ces bleus, ces turquoises. C’est beau hein? » « Ah mon ami…je compte sur toi hein? »répète à peu près cent fois à chaque interlocuteurs/electeurs).
En conclusion vraiment je me pose une question. Serra serait t il si vaniteux dans son approche meta qu’il ne se serait pas aperçu qu’il ne fait là, à travers ce personnage à la ramasse qui n’a rien à dire, que son propre autoportrait de réalisateur largué en quête d’un sujet pour son film en plein milieu du tournage?
Bref, ça sent les vacances pour l’équipe financé au frais du prod, on voit mal la moindre motivation pour justifier cet objet qui voudrait rivaliser avec du Weerasetakul, mais qui fait figure d’arnaque arty contemporaine à l’état gazeux qui sent pas bon, bref Sacha Guitry avait une formule pour décrire ce genre de poseur incompris, lui qui en observant un poète romantique declarait : « On voyait qu’il pensait intensément à rien. ».
Le seul truc que j’ai aimé dans cet arrogant naufrage c’est qu’ils se paient le toujours excellent Sergi Lopez sauf que c’est pour ne rien dire,dans un rôle de très second plan. Et le monologue final de l’amiral qui m’a fait pensé que c’était peut être un rush perdu de L’Annee du requin des frères Boukerba, eux qui affectionnent le jeu amateur over mal joué dans leurs comédies. Cette idée saugrenue de scène d’exposition à l’envers aurait pu avoir le panache du sorte de colonel Kurtz d’apocalypse Now, si toutefois elle ne venait pas gâcher un dénouement qui annule tout le projet mystico flottant du film, par cette soudaine explication basique, politique et tragique. Logorrhée sur la nature humaine, si chargée et si mal délivrée qu’on a la sensation d’un dernier geste désespéré pour justifier au dernier moment les 2h30 interputaindeminables précédentes.
Le malaise fondamental que suscite ce film c’est son second degré, qui se voudrait maîtrisé dans un décalage banalité du politique métropolitain/environnement et mœurs polynésiennes dépaysantes : alors d’accord sur le papier. Mais c’est vraiment très gênant au final. De par l’absence totale de regard critique sur ce monde post-colonial, qui ne sert ici que de cadre décoratif, pour la tentative creuse tres ringardo-virilo-euro/auto centrée, le résultat est moins un film qui se veut hors du temps qu’un discours d’un autre temps.
« *L’exotisme, c’est du racisme à l’envers *»
- Hugo Pratt