Ma vie avec Clint
Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...
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Padre Pio est une heureuse exception dans le monde de l’hagiographie. Avant tout littéraire, ce genre a connu, jadis, son heure de gloire. La Réforme, puis la déchristianisation, ont réduit les ambitions commerciales des producteurs de vies de saint à la cible des enfants et des personnes âgées. Dans le souci de plaire et d’éviter les polémiques, leurs dernières réalisations cultivent les couleurs pastelles, les dialogues mièvres et les regards évanescents. De Bernadette de Lourdes à Jésus de Nazareth, les scénarios occultent les jeunesses turbulentes, les admonestations brutales, minorent les souffrances morales et physiques. Tout le monde étant gentil, nous irons tous au paradis.
Le film de Carlo Carlei est pétri d’une autre pâte. Mort en 1968, Padre Pio est le « Curé d’Ars » contemporain italien. Ce moine capucin accumula les prodiges et suscita, de son vivant, un extraordinaire enthousiasme populaire. N’était-il pas réputé lire au fond des âmes !
Nous assistons à la dernière journée du vieillard, joué par Sergio Castellitto. Jürgen Prochnow incarne un sinistre évêque romain chargé d’une énième enquête canonique sur ses mystérieux charismes et convaincu de sa malhonnêteté. L’interrogatoire brutal est l’occasion d’un retour sur les étapes marquantes de sa vie. Le procédé ne brûle pas par son originalité, mais les images sont superbes et la reconstitution d’une Italie rurale convaincante.
Le père Pio ne mâche pas ses mots : il délivre les démoniaques et ferraille avec le diable. S’il se soumet à l’autorité ecclésiale, il ne cache pas sa désapprobation devant les errements des prélats romains… Un saint, ça gratte, ça irrite, ça dérange. Un saint, c’est bien en théorie, mais pénible au quotidien. Surtout pour les cadres de l’institution, de braves gars, pour la plupart, n’en doutez pas, qui ont donné leur vie à un Dieu bon et lointain et se trouvent désemparés face à l’irruption du surnaturel, ici et maintenant. Nul n’est prophète en son pays.
Tous les corps ensemble et tous les esprits ensemble et toutes les productions ne valent pas le moindre mouvement de charité. Cela est d'un ordre infiniment plus élevé. Blaise Pascal
Janvier 2018
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Créée
le 20 sept. 2015
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