Pandemonium
7.7
Pandemonium

Film de Toshio Matsumoto (1971)

La fureur du lion pris pour un con

Shura c'est la colère, la fureur, cette notion proche de la folie, mais suffisamment sensée pour susciter l'empathie. Et si ce n'est le cas, Shura porte tout de même bien son nom, car c'est le carnage, celui qui naît de la trahison subie, et du désespoir qui en découle. Pandemonium, la capitale imaginaire de l'Enfer, est une belle traduction, comme il est de coutume pour les titres japonais. Toujours est-il que le film ne cesse de s'articuler autour de ces notions de carnage et de Pandemonium pour en faire un film fort et à haute tension, que ce soit pour le spectateur ou pour le pauvre rônin Gengo Bei (Katsuo Nakamura, Les Plaisirs de la Chair).

Ce n'est pas son vrai nom, seulement un nom d'emprunt qui lui permet de passer inaperçu, lui qui attend de dénicher une certaine somme d'argent afin de se joindre à une révolte et alors de retrouver son clan et son vrai nom. Il va se laisser abuser par ses sentiments envers une geisha malgré les alertes désespérées de son serviteur, Hachiemon. Aux yeux de tous, il n'est qu'un rônin trop gentil et complètement perdu, ce qui en fait pour les rats des rues une proie facile. A première vue, Gengo Bei est un lion édenté, et il n'en fallait pas plus pour qu'il se fasse dévaliser sans le savoir, lui qui pensait défendre une cause bien-fondée, celle de sa geisha bien-aimée.

Lorsqu'il comprend qu'il s'est fait sournoisement abuser par tout ce petit monde, quelque chose cède au fond de lui, sans qu'il ne sache l'identifier. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il va leur faire payer, et très cher. Le lion qui souhaitait dormir s'est fait dérober toutes ses possessions, et toutes ses perspectives d'avenir ont disparu avec elles. Il est désespéré, et comme le fauve dans une telle situation, une fureur incontrôlable s'empare de son âme. Quelque chose s'est brisé, mais est-ce vraiment définitif ? Tout porte à croire qu'il s'agit-là d''un aller simple vers l'enfer, pour le lion et tous ceux qu'il rencontre. C'est le début d'une route sanglante vers la vengeance, mais plus le sang s'accumule sur ses pas, plus la rage grandit en lui. Rien ne semble pouvoir l'arrêter, désormais, et la question de sanité de son âme semble être d'une étrange futilité.

Toshio Matsumoto a choisi (volontairement ou par manque de moyens) le noir et blanc et la sobriété pour son Shura, qui contraste d''ailleurs avec la violence de certaines scènes, qu'il s'agisse de jets de sang ou... d'autres choses. Il gratifie tout de même son oeuvre de certains effets osés et intéressants, des "twists" visuels qui semblent s'accorder sur la folie grandissante de son personnage. Il réalise un bon film sur la vengeance d'un samurai trop gentil pour survivre comme tel dans la jungle de la rue, dans laquelle les hyènes s'épanouissent. Il est un lion isolé et n'apprend que trop brutalement que ses ennemis le frappent douloureusement avec des sourires éhontés, des manoeuvres vicieuses et des mensonges déroutants. Durement frappé par la réelle nature des hyènes qui l'entourent, le lion craque. La fureur s'empare violemment de lui, la réalité de son monde s'écroule et avec elle tous ses espoirs. Mais quand un lion est acculé et qu'il réalise qui sont ses ennemis, sa fureur est sans égal, incontrôlable, et impitoyable. Il ne faut jamais prendre un lion pour un con, et quand les hyènes le comprennent enfin, il est déjà trop tard, le fauve est lâché, sa fureur et sa folie ensemble décomplexées...

Créée

le 25 déc. 2013

Modifiée

le 4 janv. 2014

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Taurusel

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