Lorsque trois gangsters tuent un émigré qui venait de gagner une partie de poker, ils ne se rendent pas compte qu'ils viennent d'assassiner un malade atteint de la peste pulmonaire... commence alors une recherche intensive pour trouver qui était en contact avec cet immigré.
Pour son sixième film Panique dans la rue, Elia Kazan nous immerge au cœur de ces rues où des policiers, ainsi que le service sanitaire, recherchent ceux qui auraient été, de près ou de loin, en contact avec cet immigré. Le fond de l'oeuvre est assez flou, et, alors que l'Amérique était en pleine crise paranoïaque et dans l'ère du Maccarthysme, la peste symbolisant le communisme venant de l'est et qu'il faudrait, à n'importe quel prix, l'éradiquer et l'empêcher de se propager, est une possibilité envisageable, surtout lorsqu'on connait les liens de Kazan avec le Maccarthysme en ce temps-là (bien qu'il est regretté ses actes par la suite, comme il le symbolisera dans le fantastique Sur Les Quais).
Pourtant, cet aspect-là n'est pas vraiment dérangeant tant le metteur en scène de Wild River orchestre plutôt bien son récit et alterne entre la vision du médecin des services sanitaires et celles des gangsters qui eux, ne savaient pas que l'immigré avait la peste et était recherché. Alors, l'ensemble n'est pas exempt de tout reproche, à commencer par des scènes de couples guère convaincantes et une tension qui ne tient pas sur la durée, notamment lors de certains moments forts, mais c'est loin d'être préjudiciable. Effectivement, car Elia Kazan retranscrit tout de même très bien l'atmosphère paranoïaque et étouffante, laissant aussi un suspense présent jusqu'au final pour une oeuvre qui tient en haleine de bout en bout.
La force de l'oeuvre se trouve aussi dans la façon dont le brillant metteur en scène de Splendor in the Grass nous immerge dans les bas-fonds de cette ville et on navigue entre les ports, les quais ou encore les repères de gangsters de manière vraiment prenante, notamment grâce à la reconstitution et le talent de Kazan pour bien l'exploiter. Surtout qu'il use bien du noir et blanc contrasté et fait preuve d'une réelle maîtrise derrière sa caméra, notamment techniquement où il trouve toujours le bon ton à l'image de nombreux plans remarquable et adéquat à l'ambiance du film. Et enfin, si l'oeuvre est une réussite, c'est aussi grâce à la remarquable direction d'acteur (et c'est un aspect que l'on retrouve dans toute la carrière de Kazan, Kirk Douglas, Natalie Wood, James Dean ou encore Marlon Brando peuvent en témoigner) dont bénéficient les non moins talentueux Richard Widmark et Jack Palance.
Panique dans la rue permet à Elia Kazan de retranscrire le contexte de son époque, celle de la peur du communisme et donc les craintes et doutes américains à travers une oeuvre paranoïaque, étouffante et sombre, qui bénéficie du savoir-faire de son metteur en scène et d'interprètes à la hauteur.
(Mes Elia Kazan : http://www.senscritique.com/liste/Elia_Kazan_Le_dernier_Nabab/437563)