Presque deux ans jour pour jour après la sortie remarquée de son premier long-métrage de fiction, Nelly Kaplan fait son grand retour avec Papa les petits bateaux. Le film suit la riche héritière anglaise Vénus de Palma qui se fait enlever par quatre gangsters dans l’espoir d’obtenir une rançon. Les ravisseurs s’avérant être de parfaits incapables, rien ne se passera comme prévu et l’héroïne y verra l’opportunité de s’enrichir. Sheila White incarne la jeune femme survoltée de cette histoire, accompagnée d’une multitude d’acteurs ayant déjà fait leurs preuves avec de grands cinéastes, comme Judith Magre chez Sacha Guitry et Louis Malle, Michel Bouquet chez Truffaut et Chabrol, ou encore Michael Lonsdale qu’on ne présente plus.
Comparer Papa les petits bateaux à La Fiancée du pirate permet de comprendre à quel point ce premier film était réussi, et pourquoi le second est si raté. La réalisatrice garde l’idée d’un personnage principal dominé dans un premier temps qui va petit à petit prendre le contrôle total de la situation, ici en faisant tuer ses ravisseurs un à un. Si l’on apprécie de voir une Vénus provocatrice et libérée dès le générique, on est très vite irrité par ses mimiques incessantes et son jeu survolté. La voir grimacer dès que son interlocuteur a le dos tourné peut être drôle à la dixième minute, moins à la quatre-vingt-dixième. De plus, le jeu de Sheila White accentue l’aspect répétitif du scénario, qui radote inlassablement la même boucle d’actions menant à la mort d’un personnage. Difficile de s’attacher à cette protagoniste sans nuance, dont le caractère n’est jamais contrebalancé par rien : là où Marie semblait s’attacher à des objets avant de tout abandonner derrière elle, chaque action de Vénus est motivée par l’argent qu’elle peut soutirer aux autres personnages, auxquels elle ne s’attache jamais. Tous les seconds rôles s’avèrent d’ailleurs être de parfaits crétins, bien plus que dans La Fiancée du pirate, où les villageois cédaient à leurs pulsions en ayant conscience de leur faiblesse. Ici, ils sont tous aussi manipulables qu’interchangeables, et ne satisferont que les amateurs de comédiens français en roue libre.
Tous ces défauts peuvent facilement s’expliquer par l’inspiration principalement cartoonesque de Nelly Kaplan, ce qui implique la simplification extrême des personnages. Papa les petits bateaux est avant tout une comédie burlesque dans laquelle les gags s’enchaînent à toute vitesse. Le rythme est fidèle à celui d’un cartoon, survitaminé au point d’en devenir insupportable, parce qu’il ne prend pas en compte la longueur d’un long-métrage. De plus, la réalisatrice semble avoir négligé tout ce qui fait le charme de l’humour cartoon, à savoir la quasi-absence de contraintes pour créer toutes les situations les plus folles et improbables. La mise en scène est très fixe, sans parti-pris marquant, et les quelques bonnes idées de séquences tombent à plat. On assiste par exemple à une scène ridicule de combat entre les deux femmes du film, mais la violence n’est pas suffisamment exagérée pour faire rire et la chorégraphie est ridiculement sage, là où on aurait pu imaginer un duel loufoque où toutes les folies sont permises. Cette absence de créativité trouve son comble lorsqu’un personnage mange des petits-pois qui augmentent sa force, idée insolite qui n’est appuyée par rien de visuel, et qui n’a donc aucun impact. Il en résulte une comédie épuisante sans aucun répit pour le spectateur, trop vide pour pouvoir s’accrocher à des personnages ou à un propos, là où La Fiancée du pirate était suffisamment malin pour qu’on lui pardonne ses quelques soucis. Le second film de la réalisatrice fait donc l’effet d’un pétard mouillé, ne reprenant aucune qualité de son premier et accentuant ses problèmes de rythme, d’acteurs et de répétitivité. En s’essayant seulement deux fois à la fiction, Nelly Kaplan nous prouve qu’elle est capable du meilleur comme du pire.