Époque en papier, personnages en carton, film en mousse ?

Paperboy, nouveau film de l'auteur de Precious, a fait parler de lui dès avant sa sortie. Encensé sur bande annonce, il provoque hystérie et colère à sa sortie, et subit de plein fouet la vindicte bien pensante de la presse spécialisée, ces "journalistes", ces "sachants" qui disent le beau, le bien, le valable, et le jetable. Seulement, du haut de leur prétention, ils en oublient que leur point de vue, aussi complet soit-il, permis par une grande culture, et donc une légitimité autorisée par une capacité à remettre les choses en perspective, n'est qu'un point de vue, et pas une vérité absolue, que leur confort de bourgeois n'est pas du goût de tous et qu'il est possible de vivre autrement que comme ils l'entendent.

En l'occurrence, beaucoup ont reproché à ce film son côté choquant gratuit. Et notamment celui d'une scène en particulier, qui se déroule sur la plage. Si sa conclusion a choqué la presse, j'ai surtout retenu qu'elle était un peu grotesque et illustrait bien l'ambivalence du personnage principal, incarné par Nicole Kidman, toujours rayonnante malgré tout ce plastique dont elle est désormais faite.
La presse et son côté prout prout ont volé en éclats aux premiers instants politiquement incorrects du film. Le film est choquant ? Oui, mais pas pour les raisons qu'on pense.

On a également reproché sa prétention au réalisateur qui, certes, a monté son film d'une manière improbable, ajoutant ici et là des effets ridicules qu'on ne retrouve plus depuis les années 60, date à laquelle se déroule le film. Chacun pourra juger en son âme et conscience, mais foncer tête baissée comme un redresseur de torts et condamner le long métrage parce qu'on a un pet de travers, ça ne sert à rien.

Voici donc quelques raisons qui devraient vous pousser à voir Paperboy (je n'écris pas « aller voir », car cela sous entendrait qu'il vous faudrait vous rendre au cinéma, et d'une part, je ne suis pas certain que vous l'y trouviez encore, et d'autre part, il n'est pas nécessaire de payer 10€ pour profiter d'un long métrage).

- Paperboy prend place dans des paysages exceptionnels de Floride, des marais immenses et effrayants

- Paperboy est tiré d'une histoire vraie. Un peu de culture, c'est toujours ça de pris

- Les acteurs sont tous formidables (à l'exception de Zac Efron, qui demeure convaincant même s'il n'est pas à la hauteur de Matthew McConaughey, Macy Gray, John Cusack ou Nicole Kidman

- Le film soutient un propos anti-raciste (le contexte historique et géographique aidant) bienvenu, surtout en cette période (on dit toujours ça, mais c'est toujours vrai)

- Il y a des scènes ultra sexy et dérangeantes, avec Nicole Kidman en vedette à chaque fois. Elle ne fait pas ses 45 ans, et joue très bien les jeunes filles dérangées (Cf. Prête à tout, Eyes wide shut, où là aussi, elle fait tourner la tête de tous les autres acteurs)

- Paperboy est dérangeant. S'il présente certains déséquilibres de construction, s'attarde plus sur la relation Efron Kidman que sur le reste, tout le film baigne dans une ambiance malsaine.

- Paperboy est lugubre. Les marais de Floride, les villageois comme Cusack sont flippants, morbides, violents, filous, dangereux. On ne se sent jamais en sécurité.

- Paperboy est choquant. Et c'est le point le plus litigieux. Aujourd'hui, il est difficile d'être choqué. Ni une photo d'un cancéreux plein de bubons, ni une vidéo d'un enfant qui hurle, ni une bagarre qui finit dans une marre de sang, ni une guerre civile qui dure depuis presque 2 ans, accompagnée de massacres de population, ni les malversations d'hommes censés incarnés l'esprit public ne parviennent à choquer. Paperboy choque. Par cette atmosphère sale, par ses esprits tordus et torturés, incarnant plutôt bien l'esprit d'une époque qui se perd jusqu'à nos jours, sans s'être jamais vraiment trouvé, par son histoire glauque et ses relents de curiosité mal placée, ses ambitions inavouées et sales, ses luttes de pouvoir, cette recherche du succès, cet acharnement du père, …

Paperboy est un film marquant. Pas exempt de défauts, clairement, mais durant lequel on ne s'ennuie pas, et dont on se souvient longtemps après l'avoir vu. Pari réussi.
hillson
7
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le 29 nov. 2012

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