Papicha est une œuvre qui articule de façon remarquable le travail de l’apparence physique, de la mise en valeur du corps par la mode, et l’ancrage de ce physique, de ce corps dans une réalité abstraite et maternelle, dans un rapport à la terre algérienne que les mains de Nedjma ne cessent de creuser et fouiller comme pour se raccorder à ses racines ou forcer un raccord mis en péril par l’intolérance religieuse. La réalisatrice, Mounia Meddour, capte avec sa caméra les mouvements incessants de ces jeunes filles : des pieds frappant le ballon de football aux enlacements amicaux sur le sable, en passant bien évidemment par le défilé de mode qui symbolise cette liberté revendiquée et conquise lentement, brisée subitement, tout n’est que vie, tout n’est qu’ivresse pour une jeunesse soucieuse de bousculer les normes établies afin d’y greffer les siennes, tel un héritage reçu de ses parents que l’on s’approprie dans le respect de leur mémoire.


Le long métrage interroge d’ailleurs la pertinence de la fuite et renonce à emprunter cette voie qui exige de la personne un renoncement à sa patrie sans résoudre les problèmes du moment ; en lieu et place, une métamorphose merveilleuse et revigorante : convertir un voile, ici perçu comme un accessoire d’oppression des femmes, en matériau de mode apte à libérer les femmes. Le blanc de la teinte choisie pour ce tissu contraste d’ailleurs avec le noir des tenues arborées par les radicaux, ces meutes obscures qui s’engouffrent dans un espace pour le mettre à sac et dégrader celles et ceux qui y vivent. Papicha prend le temps (et le soin) de mettre en place des équilibres aussitôt installés aussitôt rompus : un coup de feu dans la rue, une collection de robes détruite, une vidéothèque incendiée. Œuvre de destruction qui jamais ne se complaît à détruire mais, au contraire, perçoit ladite destruction comme la condition toujours plus forte d’une renaissance à soi et aux autres, la condition sine qua non à l’affirmation de son droit à la vie et à l’identité dans une société qui s’efforce d’interdire, de sanctionner, d’homogénéiser.


Une œuvre lumineuse, portée par un défilé d’actrices magnifiques et bouleversantes.

Fêtons_le_cinéma
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le 2 nov. 2020

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