Au bonheur des flammes

S’il on doit trouver un aspect positif au réchauffement climatique, c’est que les flammes de l’enfer ne nous paraîtront pas si pénibles. Les habitants de la Yakoutie, dans l’extrême-orient russe, n’ont eu d’autre choix que de s’habituer aux brasiers qui consument désormais les forêts de Sibérie chaque été. Abandonnés par les autorités centrales, pour qui une aide dans ces zones reculées est jugée trop coûteuse, les Yakoutes ont appris à se débrouiller seuls pour lutter contre les incendies. Malgré leur impuissance face aux flammes voraces, les habitants du village de Shologon qu’a suivi le réalisateur à l’été 2021 réunissent leurs forces pour ralentir le rouleau compresseur incandescent et donner une chance à la pluie d’arriver. Embarqué au cœur de la fournaise, Alexander Abaturov filme ces hommes et ces femmes qui refusent d’abandonner leur paradis, quitte à braver le feu pour sauver leurs terres et leurs maisons. Mais au spectacle étouffant des mélèzes ardents se substitue habilement le quotidien éprouvant des villageois, soudés par cette résistance à la catastrophe. Avec pudeur, le cinéaste russe témoigne avant tout du courage et de la résilience de ces communautés isolées, obligées de combattre les flammes par les flammes pour limiter la progression des brasiers et pallier l’indifférence de Moscou. Après la Sibérie, peut-être est-ce au tour de Babylone de brûler.