Avec ce second volet de sa trilogie Paradis, le réalisateur autrichien Ulrich Seidl toujours accompagné à l'écriture par sa femme Veronika Franz (Goodnight Mommy) explore cette fois une quête de bonheur par la foi et la religion. Fidèle à son style à la fois proche du documentaire et ultra stylisé dans la composition quasi géométrique de ses plans le réalisateur nous offre une nouvelle fois un film fort, perturbant et radical portant un regard désabusé voir misanthrope sur le monde.
Paradis : Foi nous raconte l'histoire de Anna Maria, une femme de cinquante ans qui consacre sa vie à l'amour du christ et passe ses vacances à essayer d’évangéliser tout le monde en faisant du porte à porte avec une statue de la vierge. Sa vie bascule lorsque son ancien compagnon, un musulman handicapé revient s'installer dans son quotidien et réclamer sa part d'amour.
Le réalisateur Ulrich Seidl est souvent critiqué pour la manière froide et clinique avec laquelle il regarde ses personnages et qui pour beaucoup ressemble parfois à du cynisme malveillant. Il est clair qu'en exposant souvent la médiocrité humaine avec un regard teinté d'ironie glaciale il est difficile de penser que le réalisateur soit très amoureux de ses personnages que d'ailleurs il maltraite assez régulièrement à l'écran. Anna Maria, génialement interprété par la comédienne Maria Hofstätter qui donne beaucoup de sa personne, n'échappera pas à la règle et son amour inconditionnelle de dieu ressemblera souvent à un long chemin de croix avec des séquences tragi-comiques semi improvisées puisque la plupart des acteurs sont des non professionnels, montrant à quel point il est difficile de porter et surtout d'imposer la parole du christ. Lors de scènes qui rappellent parfois l'émission strip-tease dans l'absurdité lunaire du quotidien on verra notamment la pauvre Anna Maria tenter de faire prier un type en slip qui vit dans un bordel indescriptible et qui n'arrive pas à se mettre à genoux, essayer de sauver une jeune russe complètement bourrée qui en veut à sa culotte ou essayer de convaincre un gentil couple recomposé qu'ils vivent dans le péché. A noter que comme souvent chez Ulrich Seidl la plupart des dialogues sont improvisés lors du tournage. Sans doute un peu provocateur en voulant autant bousculer les spectateurs que son personnage de bigote, Ulrich Seidl va la confronter au hasard d'une virée nocturne à une partouze en pleine nature filmé avec la toute la crudité de la pornographie pour une véritable électrochoc des cultures. Les circonstances n'épargne donc pas le personnage tout comme elle ne s'épargnera pas elle même en se flagellant et se faisant souffrir perpétuellement à genoux au nom du christ rédempteur dans l'espoir d'y trouver une certaine plénitude.
Avec le retour de ce compagnon musulman et handicapé, le réalisateur ne fait pas pencher le film vers un conflit entre religions mais vers un conflit de couple sur fond presque ordinaire de jalousie. Demandant beaucoup d'attention du fait de son handicap le personnage de Nabil est surtout en demande de tendresse et de sexualité de la part de son épouse, un désir qui va se faire de plus en plus insistant jusqu'à devenir objet de conflits et de violences. Pour Anna Maria et malgré toutes les contradictions du rôle dévolu d'épouse dans la religion, il ne reste de place pour personne à aimer d'autre que le christ qu'elle glisse parfois dans lit pour des jeux pas très catholiques avec un crucifix. Même si l'on est pas tout à fait dans l'ambiance La Guerre Des Roses, le conflit va conduire les deux protagonistes à se faire des crasses qui feront parfois sourire par leur cruauté bien peu charitable et chrétienne comme lorsque Anna Maria planque le fauteuil roulant de son compagnon l'obligeant à ramper sur le sol comme un misérable vers de terre. Quant au personnage de Nabil, on aura un temps une forme de compassion bienveillante envers lui avant qu'il ne sombre dans une forme de violence physique et d'insistance sexuelle vraiment désagréable. C'est peut être dans ce regard acerbe d'une pratique religieuse proche du fanatisme conduisant à toute les contradictions et à la cruauté des uns envers les autres que ce Paradis ; Foi trouve alors toute sa sombre légitimité.
Après l'amour c'est au tour de la foi religieuse de passer sous le regard clinique et cynique de Ulrich Seidl dans cette fable désabusée sur une passion dévorante du christ par une femme bigote et soumise jusque dans la souffrance physique et morale qu'elle s'impose au nom de la religion. Porté par sa formidable actrice principal, ce second volet de la trilogie paradis est sans doute le plus âpre, le plus difficile, le plus sombre mais peut être aussi le plus drôle pour son incroyable noirceur (même si ça ne fera clairement pas rire tout le monde). Reste t-il de l'espoir, réponse au prochain épisode.