"T'as voulu voir "fric-frac" et t'as hérité du "paradis perdu"
Je déteste cette habitude obsolète de la télévision du service public de bouleverser ses programmes à la sauvette, notamment pour des évènements divers et non urgents. Ici en l'occurrence j'avais enregistré "Fric-Frac" (enfin j'avais cru !) et je me retrouve à visionner "Paradis Perdu" au motif du décès de Micheline Presle...
De telles méthodes constituent un manque de respect pour tout le monde : pour ceux qui vivent de la prévision des programmes, de ceux qui s'y réfèrent pour enregistrer (surtout quand la projection est tardive) pour les auteurs du film évincé... Agaçant, comme si on prenait un train pour Troyes et que vous vous retrouvez à Sète...
Alors, je ne suis évidemment pas ennemi de rendre un hommage à un personnage ayant compté dans le cinéma, bien que beaucoup d'ex seconds rôles passent eux, dans le cul de basse-fosse de l'oubli, mais je déteste ces pseudo-hommages rendus à la sauvette et à la vitesse TGV comme s'il s'agissait d'être le premier à réaliser un scoop alors qu'Internet prend tous les média de vitesse... Ces pseudo-hommages ressemblent d'ailleurs fort à une tâche dont on veut vite se débarrasser comme ici : Le film n'est certainement pas le plus représentatif des talents de l'actrice qui débutait.. Bref, rendre un hommage c'est bien mais faisons-le avec plus de discernement et à tout le moins avec une biographie du disparu, des témoignages édifiants...
Micheline Presle (1922-2024) méritait mieux, même si ici elle irradie le film à elle seule !
Détrônant même Elvire Popesco mais la concurrence (sil y avait) était faussée : les dés étaient pipés...
Ce film curieux a été de ceux qui ont lancé sa prodigieuse carrière cinématographique. Quelle assurance, quel talent inné, quel plaisir apparent de jouer...
Ce film est curieusement monté. Certes, Abel Gance a toujours innové dans le genre cinéma : il avait même osé montrer nue Edwige Feuillère dans Lucrèce Borgia (1935) qui fit le scandale qu'on imagine et entraîné la haine vengeresse des pudibonds...
On se demande comment ce film a pu être réalisé, voir le jour en pleine guerre, être diffusé et avoir un public pourquoi la Continental a laissé faire alors qu'elle qui avait le monopole absolu du cinéma !..
D'autant que Gance avait été inscrit sur la liste juive et interdit d'exercice parce que non aryen...
Bien qu'il eut dédié "Vénus aveugle" au Maréchal Pétain en 1941 pour conjurer le sort qui le frappait...
Période aussi trouble que ce film, genre bibliothèque rose qui vire au noir avant de retrouver le vert... : "un peintre aux talents de couturier tombant amoureux et mettant enceinte sa bien-aimée... Mais il va devoir partir à la guerre où il apprend qu'en mauvaise santé, elle mourra en couches. Désespéré, il fera un déni de paternité mais la vie continue et l'amour va reprendre le dessus, mais contrarié..."
Un thème qui eut fait le bonheur des romans-photos d'après-guerre : vaudeville à l'eau de rose, drame : les plans s'éternisent ,(il ne se passe pas grand chose durant les trente premières minutes) fusent dans tous les sens, et on doit subir une longue évocation du savoir-vivre de la Belle Époque et des derniers beaux jours de l'entre-deux-guerres avec forces danses, chansons...
De quoi faire ressortir encore un peu plus la cruauté et vanité de la guerre pendant ces jours d'occupation nazie.
Ca devait faire pleurer dans les chaumières et il est difficile d'imaginer comment fut reçue cette œuvre à l'époque dans un contexte aussi particulier...
On nous rebat aussi les oreilles de cette chanson d'un "amour perdu" dont le matraquage aux orchestrations multiples finit par le transformer en véritable scie...
Je n'ai donc pas été séduit, ni intrigué, ni ému par cette histoire larmoyante : la cruauté de l'époque était bien pire ailleurs...
Une énigme pour moi : quel senscritiquophile pourra m'expliquer pourquoi un cordon pend du canotier du héros, et avec utilité semble-t-il, ou alors le cadreur était miro ? Pourtant ça n'a rien d'une jugulaire ?
Tourné à l'époque dans les studios des Buttes-Chaumont, le film a superbement été restauré par Pathé en 2014... Etait-ce bien nécessaire ?
France 3 le 21.02.2024-