Ce paradis perdu, si cher à John Milton, c’est un bout de plage sauvage et paradisiaque en Colombie battu par les vagues et envahi d’une végétation exubérante. C’est là que Nick et son frère Dylan décident de se poser et de se ressourcer, loin des villes, du fracas et de l’agitation. C’est là que Nick tombe amoureux de Maria, la belle Maria, la nièce de Pablo Escobar. C’est là aussi que les problèmes commencent… On dit que personne n’échappe à Escobar, alors personne ne lui échappera. Andrea Di Stefano, qui a potassé la légende Escobar pendant des années, confronte ainsi son récit de fiction (l’histoire de Nick et Maria) aux principes de la dure réalité (Escobar en chair et en os quand il décida, en 1991, de se rendre à la justice colombienne pour échapper à une extradition vers les États-Unis).

Di Stefano en fait évidemment une figure inquiétante et omniprésente (on pense au Kurtz d’Apocalypse now, vibrant, persistant, toujours dans l’ombre), mais jamais vraiment menaçante ni même fignolée, approfondie. Jamais contradictoire, jamais perçue dans ses failles et ses retranchements puisque le film se concentre beaucoup trop sur le parcours de Nick et son duel avec Escobar qui, de fait, aurait pu être n’importe quel autre mafieux tant son nom, ce nom-là d’Escobar, se résume ici à un faire-valoir, un phénomène marketing, presque un pis-aller. Escobar reste cet ogre redouté, bienfaiteur et Tout-Puissant, que l’on connaît déjà (vision saisissante d’Escobar en espèce de gourou rock démiurgique entouré d’une horde d’adorateurs hystériques qui scande son nom comme une divinité, un absolu) et servant uniquement de base à une intrigue principale peu surprenante (mais mouvementée jusqu’au bout, c’est déjà ça).

Paradise lost est un thriller honorable qui manque de férocité, bien rythmé, bien joué, bien réalisé, mais qui ne renouvelle rien dans son genre et, surtout, n’envisage aucune approche consistante sur l’histoire et la complexité d’un homme aux multiples facettes, alors que Di Stefano avait pourtant matière à dépasser la simple limite du mythe (certes on le voit en famille, on le voit prier, on le voit regarder un match de foot, mais ces quelques instants se diluent dans la masse pour n’être que des exceptions, des sortes d’alibis). Benicio Del Toro en impose évidemment dans ce rôle qui lui va comme un gant, même si sa partition se borne à marmonner dans sa barbe ou sa moustache ou à lancer des regards lourds de sens. La bonne surprise vient plutôt de Josh Hutcherson (faux airs d’Elias Koteas jeune), entre tête d’abruti candide (qu’il fait très bien) et présence physique indéniable dès qu’il faut montrer les dents, rouler des muscles et postillonner de désespoir.
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le 3 nov. 2014

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