Auteur d'une Oeuvre-monument décédé aux portes de ses cent printemps d'existence Jonas Mekas nous a - en guise d'héritage précieux et intarissable - légué plusieurs dizaines d'heures de pellicule elles-mêmes constituées d'innombrables bribes de vie et d'esthésie ( glimpses of beauty ) sur près de six décades de Septième Art. Principalement filmées autour du troisième anniversaire de sa fille Oona les images de Paradise Not Yet Lost perpétuent encore et encore le flux permanent du filmage mekasien, activité indissociable de sa vie quotidienne, intime et - de fait - familiale. Un cinéma pulsionnel, pulsatoire même, hénaurme coeur-celluloïd livrant corps et âme d'incessants fragments directement issus du réel vécu et obsessionnellement filmé par le cinéaste d'origine lituanienne.
Filmant de la même manière qu'il respirerait Jonas Mekas concentre à nouveau ses préoccupations existentielles et ontologiques dans ce journal filmé à la fois documentaire et résolument personnel : mal du pays et/ou nostalgie de la maison natale, goût prononcé pour les saynètes familiales alternant entre ludisme, moments de vie proches de la peccadille ou hagiographie d'anonymes de passage dans la destinée du réalisateur. Avant tout familial ( et un peu à la manière du sidérant Walden projeté plus de dix ans auparavant ) ledit métrage n'est certes pas ce que Jonas Mekas a fait de plus impressionnant ni de plus émouvant mais il réserve néanmoins d'incontestables éclats de vie minimes mais salutaires. Un cinéma de l'absorption scopique, visuellement grisant et volontairement gras dans sa longueur conséquente. C'est beau et savamment inépuisable.