Auréolé d'une Palme d'or et bénéficiant d'un consensus unanime, "Parasite" promettait un choc dont on ne se relèverait pas. Oui mais...
Le remarquable accomplissement de Bong Joon-ho dans le film est de le structurer entièrement par le prisme de la verticalité. Formidable astuce de mise en scène, omniprésente et concrète, elle oppose constamment la dualité riche-pauvre par le haut et le bas. La villa luxuriante d'une famille bourgeoise en haut d'une colline/ l'appartement miteux d'une famille modeste en contrebas d'un immeuble. Par cette "juxtaposition" du récit, le réalisateur multipliera ensuite les métaphores pour illustrer cette opposition: L'ascension d'un escalier ou d'une rue inclinée équivaut à s'élever socialement, les descendre signifie l'inverse. L'eau de pluie par exemple qui suite à une crue vient inonder les zones les plus prolétaires de la ville quand les zones aisées situées en amont restent au sec, etc... Le réalisateur sur plus de deux heures respecte cette convention filmique à la lettre, ne déroge jamais à une idée certes pas neuve mais génialement élaborée ici.
Le problème étant qu'au-delà de cette forme, et même si les personnages sont bien caractérisés, on finit par ne voir en "Parasite" qu'un exercice de style - foutrement bien réussi - pour raconter sous une silhouette innovante un petit drame social assez convenu. Le grotesque, inhérent au cinéma coréen contemporain, toujours en lisière de l'histoire vient sans cesse comme parasiter notre rapport aux personnages. D’abord authentiques et complexes, ils deviennent des marionnettes loufoques aux service d'une force manipulatrice sadique. Une sensation de distanciation s’en ressent, renforcée ensuite par un final tarantinesque qui, s'il a toute sa place dans le film, lui fait perdre un impact jusque-là singulier. Étonnamment !
Mais peut-être est-ce là aussi l'idée de l'inéluctabilité du destin pour les classes sociales selon le réalisateur Bong Joon-ho. Des individus éternellement enchaînés dans une sorte de parabole marxiste cinématographique à des boulets dont on ne peut se libérer... L'épilogue du film, inutile et longuet, vient néanmoins tempérer cette condition. Un espoir perdure pour qui veut s'élever...
Malgré tout "Parasite" réussit ce pari de bâtir son histoire uniquement autour d'un schéma ultra-pensé et réfléchi. Tour à tour angoissant et intraitable, lorgnant vers le maître Hitchcock à qui il offre un subtil caméo en guise de référence, le film redonne au huis clos une façade stimulante. Un conte macabre pour exhiber une lutte des classes plus que jamais d'actualité selon la pensée du réalisateur.