Ce qui fait la saveur de Parasite, c’est son refus de se faire enfermer dans un style. Bong Joon-ho joue beaucoup sur l’absurde et les retournements de situation. Il nous embarque dans un film qui joue sur la chronique sociale, le drame, la farce, le thriller, voire même des soupçons d’horreur dans sa composition ; et ce mélange des genres, ont la passage peut être subtil comme brutal, nous laisse en tension permanente.
Le réalisateur travaille avec minutie aussi bien le fond que la forme, et fait de Parasite un film exquis à regarder comme à comprendre. Oui, je suis littéralement émerveillé en regardant ce film à la cinématographie sublime, que se soit la lumière, les couleurs propres à chaque univers ou les cadrages. Bong Joon-ho choisit également des univers architecturaux chargés de sens, des sous-sols à la grande maison, et gère avec maestria l’évolution des corps dans chaque espace : ici confinés avec de cadrages intimistes et près du corps, là perdus dans l’immensité avec des plans plus larges. Ce travail du détail, parfois explicité dans les dialogues, fait travailler nos cinq sens y compris l’odorat — on s’imagine sans souci les odeurs de ces lieux et leur signification.
Une des grandes scènes qui concilie parfaitement la maitrise de la forme comme symbole du fond est le retour au sous-sol sous la pluie battante, cette déchéance littéralement matérialisée par la catastrophe naturelle envers ceux qui pensaient contrôler la situation, et être enfin ceux qui profitent.
Du côté de l’intrigue, Bong Joon-ho développe de manière très critique la thématique de la famille, avec d’un côté les précaires et laissés-pour-compte et de l’autre côté les aisés. Aucun n’est épargné dans cette histoire. Les « parasites », dont la détresse et leur rejet du système s’avèrent trop cupides, trop gourmands. Mais ils savent également berner sans souci cette famille riche et arrogante, enferré dans les apparences et le besoin de performance, d’exceptionnel (en témoigne l’art-thérapie, joyeux mensonge pour ceux qui veulent à tout prix voir du génie là où il n’y en a pas). Je regrette un peu la séquence finale, qui s’avère un peu trop explicite et donc superflue, et allonge ainsi inutilement un film qui aurait pu s’arrêter de manier plus tranchée. Car le réalisateur finit sa boucle, et on revient à la situation sociale du début. Ici personne ne change magiquement (ou malignement) de statut, la misère sociale nous rattrape toujours, et dans la société moderne, les riches l’emportent toujours sur les pauvres.