C'est assez curieux d'imaginer ce qu'aurait pu donner un script comme celui de Parasite entre d'autres mains...Thriller éculé? Comédie beauf? Fable sociale trop évidente? Tout cela reste des conjectures mais s'il y a bien une chose que Bong Joon-Ho sait faire, c'est mixer les genres pour rendre l'ensemble encore plus savoureux. Après le thriller (Memorie of Murder) ou le film de monstres (The Host), le réalisateur a jeté son dévolu sur une histoire de home-invasion qui sous le vernis révèle une lutte des classes détonante.
Comme à son habitude, Bong Joon-So dispose de pas mal de cartouches en réserve, et il fait un vrai carton. La critique est à double-tranchant, le cinéaste le sait, c'est pourquoi riches et pauvres seront logés à la même enseigne. Certains seront ignares, d'autres malhonnêtes. D'un côté les fortunés qui refusent de voir la détresse des pauvres, de l'autre les désœuvrés qui sont prêts à tout pour conserver la place qu'ils ont acquise près des riches.
Face A, une satire hilarante et bien cynique d'une société des inégalités. Face B, un thriller oppressant qui opère sa mue sauvage et tragique dans sa toute dernière partie. Quelque soit la partition, on ne peut que rester admiratif de la maîtrise époustouflante du metteur en scène. Il quadrille l'espace à coups de plans géométriques et rigoureux, délimitant les contours d'un piège qui va peu à peu se refermer sur tout ce beau monde. L'écriture soignée ménage les rebondissements (tous brillants) pour mieux tisser sa toile autour d'une galerie de personnages aussi attachants qu'ambigus. Et les interprètes sont unanimement formidables (mention spéciale au toujours magnifique Song Kang-Ho). Une palme d'or entièrement méritée pour un film qui assoit définitivement Bong Joon Ho comme l'un des réalisateurs les plus imposants des 20 dernières années. Et dans le même mouvement, il renouvelle la promesse d'un cinéma total qui a besoin de peu pour nous offrir tant.