Férid Boughedir, un cinéaste humaniste qui nous touche avec humour...
Merci au journaliste, Hatem Bourial pour la présentation juste et fine du cinéaste tunisien, Férid Boughedir et de son nouveau film, une comédie dramatique, intitulée Parfum de Printemps, sélectionné au Festival International du Film de Washington DC (FilmFest DC) du 14 au 22 avril 2016, sous le titre anglais « Sweet smell of Spring ». La critique d’Hatem est soutenue par une image lumineuse, pleine de poésie, qui aurait pu être choisie comme affiche, où Zizou danse avec un tuyau d’arrosage, dans l’ivresse d’un printemps, d’un renouveau symbolisé par l’eau fraîche qui se répand sur lui. Cette scène a pour cadre la beauté picturale et architecturale d’un patio tunisois aux courbes si douces tout en arabesques. Aziz, surnommé Zizou, un "candide" à la Voltaire, un ‘’joyau’’ de bonté, de pureté, ‘’L’ange des paraboles’’, magnifiquement campé dans sa candeur, son innocence, son désarroi dans la découverte d'une société urbaine complexe où les citadins s'entraident, s’exploitent, se manipulent dans leurs réalités difficiles, aux prises avec le chômage, la misère, les frustrations… Il se montre généreux, chaleureux, aimant la vie, à l'opposé d'une société qui peut être corrompue par trop de richesse et qui se donne des droits contre toute légitimité et dignité... Entre autres, l’insupportable possession et séquestration d’une très belle jeune femme, à l’image d’une Tunisie souvent ''muselée''… Depuis les prémisses de la Révolution, en janvier 2011, la Tunisie se bat, avec les femmes qui militent en faveur des acquis, en quête de valeurs exigeantes, celles de la démocratie à inventer et à réinventer… Elle se cherche à travers des personnalités plus ou moins intègres aux convictions opposées et contradictoires, d’origine très diverses… La confusion règne parfois dans une véritable mascarade... Les modes et conditions de vie, les approches philosophiques, religieuses, politiques, sociales sont éloignées et diffèrent entre les riches et les pauvres, entre les citadins et les villageois même s’ils sont tous impliqués dans les bouleversements de la société et que la plupart sont reliés par l’usage commun des paraboles.
Férid brosse des personnages ‘’colorés’’ qu'il aime, qu’il observe avec sensibilité, patience et perspicacité, à la Balzac ; et ce sont souvent des anti héros, simples, de conditions modestes... Un clin d’œil à la littérature, à ses procédés, nous fait rêver : il nous entraîne dans l’univers du conte où le héros, à l'instar de Zizou va surmonter toutes sortes d'obstacles pour libérer une "princesse". Il nous fait voyager dans la métaphore d'une Tunisie sur la voie d'une libération qui se voudrait pleine et entière... Merci à Férid, à ses talents de conteur et d'humoriste grâce auxquels il nous fait partager son amour de la Tunisie, sa beauté, le courage de ses habitants, avec leur franc parlé, le sens de la répartie… Son propos prend une connotation universelle, celle de notre humaine condition.
Un film d’auteur à voir ! Par son audace, il aurait sa place à la ‘’Quinzaine des Réalisateurs’’ ou à ‘’Un Certain Regard’’ comme les précédents, vus à Cannes : Halfaouine, l’enfant des terrasses (Asfour Stah) et Un été à la Goulette ! Férid, dans sa maturité clôt une belle trilogie. En parler à son entourage, informer ses amis… Le voir à Paris au Studio Luxembourg Accattone dans le 5ème, au Publicis Cinéma dans le 8ème, à partir du mercredi 20 jusqu ‘au 26 avril, également à Gennevilliers, Pontault-Combault, Grenoble, Orléans, Angers, Metz, Gex, Brest, Acigné, Ploërmel, Yvetot, Elbeuf…
Merci à la monteuse, Stéphanie Pédelacq qui a su trouver une juste dynamique, un bon rythme dans le lot d’images magnifiques et si bien coordonnées à la bande son. Merci aux scénaristes, à tous ceux et celles qui nous donnent à voir un cinéma bien vivant ! Aux heures crépusculaires, c’est magique, le petit village de Sidi bou Saïd niché sur la colline étend ses voiles diaphanes, de lumières roses et or sur ses coupoles, ses jardins secrets, ses ruelles étroites, ses terrasses… Comme la baie est grandiose, avec tout ce bleu du ciel, de la mer et, au fond, la montagne mythique du « Bou Kornine » qui a inspiré bon nombre d’artistes peintres… Seule, une image paillarde n’a pu avoir grâce à mes yeux car elle bouscule mon féminisme.
J’ai eu la chance de voir ce film à Cannes au premier Festival du Cinéma Tunisien du 18 au 25 mars, aux Arcades, le 19 mars 2016 sous la présidence de Serge Basilevsky avec un Férid en verve. Plaisir d’y avoir rencontré Farah Khadar, réalisatrice qui nourrit le projet d’un documentaire sur Férid.
Paris, Louveciennes, le 14 avril. Aix en Provence, le 18 avril 2016. Thérèse Baduel-Cahen