Il m’arrive parfois de me remémorer une autre vie.
Oui, une vie ancienne, passée.
Oui, je m’en rappelle…
En ce temps-là, je vivais rue Paul Albert dans le XVIIIème. Artiste en devenir, j’allais pouvoir profiter de l’héritage familial. La guerre venait de se terminer. J’avais 19 ans, bientôt 20. Je passais une partie de mon temps à écrire pour le Petit journal. Le reste, je le dépensais à boire dans les cafés. Je ne demandais rien et j’avais tout. Je n’avais pourtant aucun entrain aux plaisirs de la vie. Mais Paris n’était pas encore Paris. Le monde était à refaire.
Alors débutèrent les années 20, synonyme pour moi de nouvelle vie. Je me mis à côtoyer de jeunes américains vivant dans la capitale. Il y avait Francis, Ernest et bien d’autres. On buvait, on chantait, on dansait. Et parfois, on écrivait. On rêvait de se faire un nom dans la littérature.
Oui, les souvenirs me reviennent de plus en plus.
On cohabitait rue de Fleurus chez notre bienfaitrice Gertrude. J’y fumais cigarettes sur cigarettes avec mes nouveaux amis Pablo et Georges.
Le soir, une nouvelle musique envahissait les cabarets, ils appelaient ça le « jazz ». J’étais absorbé par le talent de l’un de ces joueurs de swing : il s’appelait Sidney et ne faisait qu’un avec son saxophone.
Je fréquentais les plus belles filles de la capitale et du monde. J’allais voir Joséphine Avenue Montaigne.
J’admirais les photos de Man Ray. Des photos sublimées par sa muse ; une jeune Alice qui de la tête aux pieds, était irréprochable.
Ma vie était un rêve.
Oui, c’est ça... Un rêve... Cette vie ancienne, endiablée, magnifique, je ne l’ai peut-être finalement pas vécue. Ces souvenirs ne sont que des chimères oniriques. Mais sait-on jamais, quand sonnera la fin, si une chance m’est donnée d’avoir rendez-vous dans une autre vie. Je m’en irai éternellement dans ce Paris des années folles, si bien représenté dans ce documentaire.