Qu'il est terrassant de constater que près de 30 ans plus tard , le documentaire pionnier de Jennie Livingston consacré à la ball culture new - yorkaise est toujours autant d'actualité et essentiel à voir. A une époque où les conflits règnent et la différence toujours aussi repoussée , le documentaire est un porte - étendard , un point de ralliement , un monument pour cette communauté et tous gens qui souffrent d'être eux - mêmes à cause des autres.
Une chronique de la scène drag de New York dans les années 1980, mettant l’accent sur les "balls", le "voguing" et les ambitions et les rêves de ceux qui ont donné à l’époque sa chaleur et sa vitalité à cette culture.
Un rêve si réel
Partant d'un postulat simple , le documentaire devient bien plus dès lors qu'il pénètre le milieu et qu'on assiste au premier "ball" : on est immergé dans un autre monde avec ses propres codes , son propre fonctionnement. Tout n'est que couleurs vives , danses et postures dans un sentiment de communion et de fierté d'être , tout simplement soi - même. Les entretiens avec les membres de cette communauté nous apprennent comment elle tourne et nous font part de leur vécu , de leur parcours , de leurs blessures... D'un coup , ces scènes de communion prennent une tout autre dimension.
Dure est la chute
Que le montage est virtuose quand il enchaîne les scènes de danse aux confessions lourdes de sens et de puissance. Les intervenants se mettent à nu , tout y passe : de la pauvreté , au racisme , à l'homophobie , à la prostitution. Les paroles de chacun se teintent d'amertume , de peur , de colère et parfois , d'espoir , de fierté même. Et le moment vient de se rendre compte à quel point la situation est complexe , difficilement changeable et qu'elle risque de demeurer ainsi. La réalisatrice nous épargne le noir et le blanc dans les propos des uns et des autres et dans ce qu'elle montre de cette culture.
Après
Les dernières minutes nous achèvent tant l'ampleur de ce qu'elle nous montre nous reste en tête , tant elles passent du tragique et à la beauté et l'espoir. La qualité plastique du film , marquante si elle en est , n'est rien face à la puissance démonstrative et émotionnelle du propos. Le destin funeste de nombre d'intervenants nous rappelle que ce combat continue toujours et les âmes fauchées sont légions. La différence est ici célébrée dans toute sa beauté et sa liberté , fugace soit - elle. Comme elle aurait toujours dû être peut - être.
Inutile de transformer le monde. Mieux vaut l'apprécier. Donner de sa personne et l'apprécier. Si vous tirez une flèche et qu'elle va très haut , félicitations.
Pour aller plus loin :
- 120 Battements par minute ( 2017 ) de Robin Campillo
- Climax ( 2018 ) et Love ( 2015 ) de Gaspar Noé
- American Horror Story : Hotel ( 2015 ) de Ryan Murphy/Brad Falchuk