Je n'aime pas beaucoup le style documentaire à l'américaine entrecoupant des scènes de la vie des protagonistes et des interviews bien codées sur fond de musique suscitant l'émotion. Ce n'est pas ce que l'on retrouve ici : les dialogues en interview ne semblent pas scriptés mais pris sur le vif auprès de jeunes et moins jeunes drags, queer, gay (sur une période de 8 ans), appartenant au monde des Bals underground du NY des années '80.
La description donnée des différentes catégories thématiques des compétitions, "executive realness" (cadre dynamique), "opulence" (style séries glamour de l'époque), "banjee girl realness" (fille fashion) - donne le ton de ce microcosme, dont les membres tentent avant tout de trouver un exutoire pour leur passion du déguisement, du charme, de la comédie et du travestissement, qui sont innés chez eux. Jouer le naturel, le neutre, l'homme hétéro, la femme bien sous tout rapport, dans un souci d'éxecution toujours plus exigeant, c'est l'épreuve de tous les jours de ces hommes et femmes, et le Bal leur permet de jouer librement avec leur identité, s'assumer en pleine expression de leurs désirs, ce que le système ne le leur permet pas en dehors.
Tout n'est pas non plus beau et innocent dans ces entretiens avec des jeunes qui rêvent de gloire et de fortune, vivant dans la pauvreté la plus totale, et parfois une précarité les amenant dans des situations tragiques. Mais c'est cet instinct de communauté, sous la forme de clans "House" permettant à une mère de protéger et faire évoluer ses membres, qui donne sa force au mouvement artistique sur le point de devenir planétaire.