La plus belle pour aller danser
Les années 80, c'était super bien. Les fringues étaient folles, la musique trop bonne et la croissance repartait enfin après dix ans à pédaler dans la semoule des chocs pétroliers. Ça c'est évidemment le point de vue de l'homme blanc hétérosexuel de la classe moyenne occidentale dont c'est forcément la décennie préférée. Il oublie souvent que le contrecoup de cette période d'euphorie aura été l'étouffement partiel de la classe populaire avec tout son éventail de minorités qui crèvent la dalle.
Le documentaire multi-primé s'intéresse à la frange la plus rejetée de cette population en suivant plusieurs protagonistes de la scène des "ballrooms" de New York. "Trop pédés pour les noirs, trop noirs pour les pédés", la communauté homosexuelle afro-américaine et plus tard latino-américaine s'est inventée une esthétique de gala pour survivre dans ce monde cruel. Fascinés par la richesse des blancs, ils s'inventent une danse, le voguing, censée parodier les poses des cover-girls des magazines de mode de l'époque (dont Vogue). Il s'inventent des joutes verbales et des concours de beauté. Ils rejettent par contre l'esthétique tout en plumes des drag-queens de Vegas et s'approprient toutes les modes qui passent à leur portée en véritables caméléons transformistes.
Au delà de la simple vignette sordide d'une génération perdue évoluant d'un quartier de merde lors d'une période pourrie, le documentaire fait un état des lieux assez complet des questions de genre, de classe et des rapports de dominations dans cette société d'apparat. La caméra épouse à la perfection les corps. Les répliques claquent. Pas timides, la plupart des intervenants se met en scène dans ces instants confession qui commencent par des concours de grande gueule et finissent souvent avec un coup de massue émotionnel.
Un film coup de poing comme ils disent dans les magazines.
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