Quelque part en plein Texas un homme marche, hirsute, casquette rouge vissée sur la tête. On ne sait ni d'où il vient ni depuis combien de temps il marche ainsi. Le visage cramé et mourant de soif, l'homme est obligé de s'arrêter dans le premier bar perdu rencontré au milieu de nul part. Lui, c'est Travis, un homme qui a laissé son passé derrière lui il y a déjà quatre ans, femme et enfant y compris.
Lorsque son frère vient le chercher et tente de le ramener chez lui, c'est un homme fragile qui se révèle. D'abord réticent à accepter un retour à la civilisation, il finit par consentir un peu à reculons. On sent qu'il est prêt à s'effondrer d'un instant à l'autre, mal à l'aise en toutes circonstances. Il ne maîtrise plus les codes de la société, si tant est qu'il les ait maîtrisés un jour. Au contact de son fils et de la famille de son frère, Travis se souvient pourtant de la vie qui était la sienne auparavant. Maladroit, il tente de recoller les morceaux avec son fils en cherchant à devenir « le » père idéal. Il finit par y parvenir mais cela ne suffit pas, il comprend qu'il ne pourra réparer ce qu'il a fait qu'en réunissant à nouveau sa femme et son fils.
Très lent et contemplatif, le film de Wim Wenders prend son temps. Le temps de filmer les paysages, magnifiés par la lumière de Robby Müller, du désert texan aux néons des villes. Le temps aussi pour Travis de revenir difficilement de l'autre côté du rivage qu'il avait délaissé il y des années. C'est avec des riens, des petits gestes du quotidien, des regards et une vidéo super-8 de vacances que Wenders fait naître la prise de conscience de Travis, ce taiseux chez qui on devine une ancienne rage contenue désormais éteinte et un amour profond pour son fils et sa femme.
Harry Dean Stanton, merveilleux second rôle récurrent du cinéma américain des années 70, trouve enfin un premier rôle à sa mesure. Bouleversant de fragilité, de simplicité et d'humanité, il est Travis. Avec un jeu minimaliste, il parvient à nous faire saisir chaque étapes de la prise de conscience de son personnage.
Et puis vient la confrontation avec Jane, sa femme. Sans jamais tomber dans le lacrymale facile ou le voyeurisme, Wenders met en scène avec pudeur ces retrouvailles mises en scène, où chacun est partagé entre différents sentiments. On ressent encore la colère de Travis, colère synonyme de tristesse. Il était trop amoureux, trop peu sûr de lui, trop malheureux et il n'a pas su faire confiance à la femme qu'il aimait et à tout foutu en l'air. Elle était jeune et avait besoin de vivre, de se sentir libre. Lui, fou amoureux et en même temps trop à l'étroit n'a pas su trouver le comportement juste pour être à la hauteur. Nastassja Kinski est tout aussi parfaite que son partenaire. Même si les deux acteurs semblent dépareillés sur le papier, ils ont chacun en eux une fragilité qui fait que l'on croit immédiatement au fait qu'ils aient pu s'aimer et qu'ils s'aiment encore.
Au final, Travis comprend qu'il ne pourra jamais rendre Jane heureux et reste au bord de la route. Ce n'est pas un final heureux, mais Travis aura accompli sa mission. Au final Paris, Texas raconte l'histoire de personnages enfermés dans un monde trop petit pour eux et qui, malgré un immense amour, profond et sincère, ne parviennent plus à se comprendre, séparés par leurs propres contradictions et leur mal de vivre.
http://www.bekindreview.fr/forum/critiques/topic6068-45.html#p796341