"Une partie de campagne" est un exemple rare au cinéma de film inachevé ou mutilé dont ce qui nous est parvenu est ou a été exploité tel quel. Qui plus est, ce film a acquis avec le temps un statut particulier au sein de l’œuvre de Jean Renoir, du cinéma français, et, il faut le dire, du cinéma en général.
On y trouve bien l'analyse acerbe et emprunte autant d'ironie que de mélancolie des mœurs bourgeoises, commune à Maupassant et à Jean Renoir, mais cette fois, le portrait d'une gente masculine opportuniste, misogyne et en position de ce qui serait aujourd'hui facilement considéré comme un viol frappe par la modernité de son propos et ses réflexions féministes.
Mais outre ce schéma, qui est plutôt fréquent chez le cinéaste (lutte des classes teintée de sexualité), c'est surtout l'hommage à l’œuvre peinte de son père et au mouvement impressionniste en général qui marque du sceau de l'originalité ce film fascinant. Plans contemplatifs illustrant le vent qui se lève sur une rivière, le bruissement des feuilles et les rides à la surface de l'eau, barque à la dérive au milieu des jacinthes et autres nymphéas, et surtout scène de la balançoire, référence plus qu'explicite au tableau de Pierre-Auguste sont autant de signes cohérents d'une tentative de rendre avec les moyens du cinéma une philosophie de l'art en général et de la peinture en particulier.
On peut voir dans ce film maudit, au tournage catastrophique, une forme de rédemption du fils devant la mémoire malmenée du père : rappelons que Jean Renoir a vendu des tableaux du peintre pour financer ses films, et que leurs rapports n'étaient pas des plus apaisés.
Pour toutes ces raisons, "Une partie de campagne" demeure un des films les plus beaux, les plus émouvants et les plus fascinants de la filmographie de Jean Renoir; à ce titre, il fait le bonheur des cinéphiles avertis, des rétrospectives et des profs de cinéma.