Partie de campagne
7.6
Partie de campagne

Moyen-métrage de Jean Renoir (1936)

Renoir adapte Une partie de campagne, la nouvelle de Maupassant, dans ce qui constituera l’une de ses plus belles oeuvres, aussi inachevée soit-elle. Renoir jouera le patron de l’auberge dans laquelle attendent les deux canotiers, Rodolphe et Henri. Il est accompagné en cuisine de Marguerite Renoir, sa femme d’alors. Si la mention tient apparemment de l’anecdote, elle révèle beaucoup sur la dimension de liberté et d’audace qui plane en permanence sur le film. On tourne sur la rive du Loing, non loin de Marlotte au sud de la forêt de Fontainebleau où Jean Renoir vit depuis plus de dix ans. Une séquence de balançoire convoque, sans pour autant en répéter les motifs formels, un célèbre tableau de Renoir père. Si le naturalisme d’Auguste semble en effet proche de Partie de campagne, il y a suffisamment d’éléments cinématographiques pour que ça ne ressemble en rien à de l’art pictural. On est en terrain familier pourtant Renoir s’apprête à briser tout ce qu’il peut briser.


 La famille Dufour, petits bourgeois parisiens, viennent prendre l’air à la campagne. Si les hommes (père et gendre) n’ont d’intérêt que pour la pêche, les femmes (mère et fille) communient avec la nature, avant de se laisser séduire par deux dandys. Et le film adopte d’abord une sorte de montage parallèle, comme s’il tenait à nous familiariser avec nos quatre éléments centraux avant de les faire entrer en collision. Rodolphe et Henri se les partagent avant de les séduire, enfin disons que Rodolphe, nettement plus entreprenant qu’Henri, distribue les cartes. Mais plus tard, au moment de les embarquer sur leur yole respective, les attributions sont inversées comme si quelque chose de plus fort et désordonné qu’une banale excursion bucolique couvait.
Ce sera finalement une journée d’été où Henriette rencontrera fugacement son premier et dernier amour, avant de se marier, comme promis, avec le pas fute-fute Anatole. D’un voyage pastoral enchanteur sous forme de poème élégiaque – questionner le sens de la vie, glisser sur la rivière, se courber sous les branches d’un arbre – le film s’ouvre sur le tragique où le temps a tout emporté, où le soleil s’est fondu en pluie. On raconte que le tournage fut interrompu pour cause d’intempéries. Et jamais repris – Mésentente de l’équipe, problème budgétaire puis arrivée de la guerre. C’est l’histoire d’un tournage qui raconte le récit. Ou l’inverse. Mais Renoir demeure assez loin d’une quelconque dimension théorique (autant qu’il n’entre pour ainsi dire pas dans la satire) ainsi Partie de campagne devient mélodrame somptueux, tout entier contenu dans un regard caméra bouleversant et une dérive du regard happé dans les méandres d’une météorologie hostile. Images vides et pleines à la fois, que l’on doit à Claude Renoir, chef op et neveu de Jean, qui frustré de n’avoir pu filmer les scènes manquantes faute de lumière, est allé capter cette curieuse et poignante circonstance automnale.
JanosValuska
9
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le 4 nov. 2015

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