Un homme, Gregory, décide de prendre des femmes maltraitées par la société et de les emmener dans son antre coupé du monde. Le titre du film reflète exactement ce que sont ces femmes et leurs enfants, c’est-à-dire des personnes qui adhèrent à l’idéologie du monde où règne Gregory. Interprété par Vincent Cassel, cet homme représente un peu tout: un père, un ami, et aussi un tyran autoritaire (l’un ne va pas sans l’autre, forcément). Mais dans son royaume, Grégory prône l’amour et la bienveillance.
Seulement, on se rend vite compte que tout n’est pas rose, qu’on enseigne aux enfants à ne pas interagir avec le monde extérieur, et surtout, qu’ils sont entrainés à tuer au pistolet, avec des répétitions de ce qu’ils doivent dire pour réussir leur coup. Chaque personne tuée est une victoire pour l’enfant qui se voit attribué une petite gommette en étoile comme récompense. En fait, Grégory est une sorte de mercenaire.
Le reproche que je peux comprendre est d’avoir laissé trop de plans suggestifs, tous comme les personnages. On devine ce qu’ils pensent mais rien n’est jamais expliqué clairement. On reste à la surface. Néanmoins, ça peut aussi être une force puisque ça a l’avantage de créer une atmosphère pesante, chargée de sous-entendu. D’ailleurs la fin joue clairement dessus avec le dernier plan. Le film appuie sur le sentiment d’isolation, ce petit paradis perdu filmé en quasi huis-clos.
La mise en scène pose une atmosphère lourde, à la limite du thriller pour bien ressentir l’enjeu psychologique du film. C’est sombre, dans un environnement pas très chaleureux, rythmé par des plans plutôt longs sur les personnages, là encore pour montrer les émotions qui les traversent puisque tout est implicite.
La deuxième partie est filmée du point de vue de l’aîné des enfants, Alexandre, 11 ans. Un jour, Grégory recrute une maman et son enfant. Le petit Léo défie l’autorité de Grégory et là, le monde se fissure pour Alexandre qui a l’âge de commencer à penser par lui-même et à se poser des questions sur la normalité de ses actes. Tout n’est pas manichéen, comme on le lui a appris. Alexandre entre dans une rébellion passive envers Grégory, contre son autorité et ses idéaux.
Ce film me fait beaucoup réfléchir parce qu’on voit bien qu’il les aime ces enfants, qu’il leur donne tout ce qu’il peut. J’ai pensé un moment qu’il était peut-être pédophile, mais il n’a aucun geste ou regard lubrique envers eux, qui montre que c’est le cas. Donc l’hypothèse d’amour pour un but sexuel est réfutée. A quoi bon les protéger en les enfermant si c’est pour les envoyer au casse-pipe ? En outre, on voit dans une scène de karaoké à la Mommy (c’est quoi cet engouement pour le karaoké d’ailleurs ? Quand je chante du Carlos devant des gens, y’as pas autant d’émotion qui passe, c’est moi qui vous le dis), où les enfants chantent, et un plan sur Grégory nous montre qu’il est ému en les voyant comme ça, heureux, il en a les larmes aux yeux.
Vincent Cassel qu’on a vu dernièrement dans la superprod’ de la Belle et la bête revient en puissance dans un petit film indépendant. Il fait ce qu’il fait le mieux en incarnant un personnage à l’allure primitive quoique mystérieux. Jeremy Chabriel aka Alexandre fait aussi une sacrée performance pour un bambin de 11 ans, et je me suis noyée dans ses yeux un nombre incalculable de fois. M’est avis qu’on va revoir ce petit parce qu’avouons-le, ce ne sont pas les acteurs enfants au charisme d’huître qui manquent dans le cinéma.