« Parvana » se donne pour un film destiné à un public enfantin. En effet, le sous-titre français indique « Une enfance afghane » et la forme adoptée est celle d’un dessin animé...
Toutefois, devant les événements mis en scène et la dureté du climat politique, soumis à l’emprise des talibans, on songe rapidement au film d’Ari Folman, « Valse avec Bachir » (2008) : le dessin, pareillement surligné de noir, permet une plus grande distance avec l’objet du récit que si celui-ci s’était vu filmé. Le scénario peut ainsi aller plus loin dans la relation d’une situation socialement scandaleuse (du fait, entre autres, des nombreux interdits qui entourent la vie des femmes) et moralement intolérable.
Très habilement, et sur un mode bien oriental, le scénario inclut plusieurs détours vers des récits mis en images, et tenant du conte ou du mythe fondateur. Récits qui aident à vivre, à s’échapper, ou à ne pas perdre pied dans une situation conflictuelle... L’animation utilise alors un procédé différent, distinguant clairement le fil scénaristique principal de ces détours par l’imaginaire. Il n’empêche : ce côtoiement de deux types de dessins animés achève de souligner le caractère fou, improbable, du réel par ailleurs dépeint et sa proximité avec de la fiction, comme s’il était tout droit sorti d’un cerveau malade...
Si le sous-titre titre français promeut la dimension d’enfance, le titre original (« The Breadwinner », littéralement celui ou celle qui gagne le pain, donc le soutien de famille) creuse le contraste entre le joli visage de fillette qui s’affiche et la lourde responsabilité adulte qui va reposer sur ses menues épaules. Tel sera en effet le paradoxal destin de la frêle héroïne dont le titre français reprend le nom, Parvana. Toutefois, si le sort inacceptable réservé aux femmes dans l’Afghanistan fanatisé est clairement dénoncé, avec ses retombées sur l’ensemble des familles, le tableau n’est toutefois pas caricatural, puisque des êtres masculins peuvent se voir dotés de rôles profondément humains, soit victimes eux aussi de l’intimidation et de la tyrannie, soit tentant timidement mais opiniâtrement d’entrer dans un rôle protecteur et secourable.
Vu depuis une société volontiers tournée vers l’autocritique, ce dessin animé, tout autant destiné aux adultes qu’aux enfants, a le grand mérite de nous rappeler la chance que nous avons de vivre en démocratie et la profonde différence qui existe, quelles que soient les critiques à formuler, entre cette organisation sociétale et celle qui sévit dans une société totalitaire. On songe à un documentaire récent, « Enquête au Paradis » (2017), de Merzak Allouache, et à la vigoureuse et salutaire proclamation de l’écrivain et journaliste Kamel Daoud : « Là où la femme est libre, les peuples sont libres. Là où la femme est maudite, les peuples sont sauvages ». Un film nécessaire, donc, que toute femme, tout homme, devrait voir, et quel que soit son âge, puisque, pour reprendre l’une des paraboles narrées ici, certaines semences sont éminemment précieuses, et à sauvegarder entre toutes...