Vu lors du festival du film d’animation de Bruxelles, Parvana est le troisième long-métrage produit par le studio irlandais Cartoon Salon, qui nous a déjà offert les très beaux Le Chant de la Mer en 2014 et Brendan et le Secret de Kells en 2009. Tous deux puisaient leur inspiration dans les légendes et la culture irlandaises.
Le nouveau film de Nora Twomey (coréalisatrice de Brendan et le Secret de Kells avec Tomm Moore, qui est ici producteur) prend lui place en Afghanistan durant la période de grand contrôle exercée par les talibans. On pense d’ailleurs, en voyant l’affiche, à la célèbre photo connue sous le titre de « l’Afghane aux yeux verts », Sharbat Gula de son vrai nom, réalisée par Steve McCurry en 1985. Parvana partage en effet ces mêmes yeux verts-bleus très expressifs.
L’histoire se base sur le livre du même nom de l’écrivaine canadienne Deborah Ellis, qui s’était elle-même inspirée pour créer son personnage principal d’une enfant afghane qu’elle avait rencontrée dans un camp de réfugiés au Pakistan. Cette dernière, afin de subvenir aux besoins de sa famille, s’était déguisée en garçon, les femmes étant censées rester cloîtrées dans leur maison, ne pouvant sortir qu’accompagnées de leur époux, frère ou cousin.
Ainsi, suite à l’arrestation de son père, ancien professeur et désormais vendeur-scribe sur le marchés, Parvana se voit obligée de porter les vêtements de son grand frère décédé, pouvant ainsi parcourir les étals du marché avant de rentrer auprès de sa mère, sa sœur et son petit frère, qui n’est encore qu’un bébé. Le danger n’est jamais bien loin, la peur d’être découverte ou reconnue se ressent à chaque instant, aucun lieu n’est réellement sûr et la guerre approche.
Il va sans dire que le film est dur, et triste (et n’est donc pas à conseiller aux plus petits !). On se sent inutiles et impuissants, touchés par ces personnages d’un courage et d’une force rares qui s'entraident et tentent de s’en sortir, et a contrario, enragés par les autres, qui font preuve d’une bêtise et d’une violence rares.
Toutefois, l’ambiance générale ne conserve pas constamment cette lourdeur. En effet, tout le long du film, Parvana nous raconte l’histoire féérique d’un héros qui doit combattre le méchant Roi Éléphant. La lecture, les livres, les contes et donc l'éducation et l'enseignement, constituent par ailleurs un des sujets importants traités par le film, car interdits, plus particulièrement aux femmes, sous ce régime. Ces parties contées offrent un visuel totalement différent du reste du métrage : les personnages sont présentés telles des marionnettes de papier, articulées. Ceux-ci ont des réactions et des expressions volontairement exagérées, ce qui confère un petit changement d’ambiance, une touche de légèreté, de magie, très appréciable (bien que des parallèles entre le déroulement de cette histoire dans l’histoire et la vie de Parvana puissent être observés).
Les précédents films du studio irlandais avaient déjà été salués pour leur grande beauté, il en sera sûrement de même pour celui-ci. L’animation est fluide, les personnages très expressifs, les vues sur les rues du quartier de Kaboul dans lequel vit Parvana très réussies. De plus, les deux formes de dessins utilisées et évoquées précédemment se complètent de manière très belle et efficace, les transitions entre les deux étant toujours très bien orchestrées.
On pourrait toutefois émettre quelques réserves envers le traitement du personnage qui "aide" Parvana. On comprend aisément que le but est de démontrer l’humanité présente en chacun, mais la manière de le présenter est un peu dérangeante.
Enfin, on saluera le choix de la fin, qui ne peut être considérée comme un réel « happy end », mais qui aurait pu être largement pire, ce qui n’aurait strictement rien apporté à l’œuvre, mais que l’on redoutait tout de même. En effet, jusqu’au dernier moment, on pense que l’un des personnages principaux risque d'être tué, ou même qu’une mine explose lors de ce plan large final...
On pourrait se dire au fond, que l’histoire ne se termine pas vraiment, on ne sait pas ce qu’il se passera, mais c’est sans doute justement ce qui le rapproche de la « réalité », tout en conservant une forme de sobriété.
Parvana, évitant les clichés, mêlant personnages fortes, réel et magie et enfin une grande beauté visuelle constitue ainsi une troisième réussite pour le studio d’animation, dont on espère, sans trop d’inquiétude, encore de nouvelles perles prochainement.