Le film « Marnie », en français « Pas de printemps pour Marnie », est le cinquante-huitième film du réalisateur anglais Alfred Hitchcock, réalisé en 1964, avec à l'affiche Tippi Hedren et Sean Connery. Il met en scène l'histoire d'une jeune kleptomane souffrant de mystérieuses névroses que va tenter de soigner un séduisant chef d'entreprise tombé amoureux de la jeune fille. Au fur et à mesure que ce voyage initiatique avance, les masques tombent peu à peu et laissent apercevoir une vérité terrifiante pour Marnie, qui, plutôt que de se replonger dans les affres de son passé, a toujours préféré choisir la fuite en cas de difficulté. Peu liante et énigmatique, elle semble n'avoir d'affection que pour son cheval Forio, qui seul parvient par sa présence à la faire vivre. Femme séduisante, soignée, elle redevient pourtant enfant dès la minute même où elle se retrouve en contact avec sa mère, quémandant désespérément un amour et une affection qui semblent ne jamais pouvoir exister.
Comme à son habitude, Hitchcock utilise le mac-guffin, ici le vol de l'argent. Bien qu'en apparence sujet principal du film, il n'en reste pas moins dérisoire car ici, seule la quête de la découverte des traumatismes de Marnie entre en ligne de compte. Néanmoins, si le vol initial est anecdotique, l'argent en lui-même prend une valeur tout à fait symbolique: Pour la jeune fille névrosée, frigide, kleptomane et perturbée qu'est notre héroïne, ces vols répétés confèrent une dimension fixe, constante qui ne peut qu'être rassurante. Lorsque tout va mal, qu'elle ne peut plus continuer à porter son masque de femme digne et droite, que tous ses troubles psychologiques prennent le dessus, le fait de dérober quelque chose d'aussi ancré dans le monde réel, de pilier fondamental de toute société moderne, de figé, la rassure sur sa capacité à rester humaine; elle possède la source de pouvoir, le concret à l'état pur, alors elle peut se raccrocher à ce qui lui reste et poursuivre son existence de faux semblants.
Fidèle à son précepte, Hitchcock ne dit rien, mais montre tout. Ainsi, en une série de plans, sans qu'une parole ne soit prononcée, nous avons compris beaucoup de choses sur le personnage qu'est Marnie. Par la suite, nous comprenons qu'elle est manifestement une voleuse, et au fil de l'histoire nous nous attachons à ce personnage complexe et tentons en même temps que Mark Ruthland de saisir la raison de ses actes, pour les mêmes raisons. D'abord par pure curiosité, par volonté de comprendre; comme lui, nous voyons que cette jeune femme est pour le moins étrange et mystérieuse, et nous souhaitons ardemment savoir le fin mot de l'histoire. Puis, par la suite, en voyant la jeune voleuse prise dans le tourment de ses angoisses, nous commençons à nous attacher au personnage et désirons ardemment avoir une explication, mais cette fois pour qu'elle puisse vivre la vie heureuse et équilibrée qu'elle mérite avec un homme qui ne cesse de lui prouver sa dévotion.
Tippi Hedren est ici l'incarnation parfaite de la femme chez Hitchcock, blonde fatale et glaciale auquel d'aucuns pourraient reprocher son jeu un peu trop figé, mais ça serait mal connaître et comprendre les intentions du réalisateur. Par son apparente froideur, sa capacité à réduire ses expressions au minimum, le moindre sourcillement, le moindre regard apeuré nous font percevoir au mieux l'anéantissement intérieur de Marnie, sa volonté pathologique d'être quelqu'un qu'elle ne sera sans doute jamais, confiante, parfaitement équilibrée, libérée de tous problèmes. C'est d'ailleurs un reproche que l'on pourrait faire au réalisateur; avec son film « Spellbound », sorti en 1945, il explorait déjà les tréfonds de la psychanalyse, ses effets sur la personnalité d'autrui et le travail accompli pour faire remonter les souvenirs traumatisants à la surface et ainsi permettre au patient de comprendre les raisons de ses problèmes pour ainsi commencer aller mieux.
Or, malgré la réussite incontestable des deux films (si l'on excepte l'accueil mitigé des spectateurs pour Marnie), il est évident que l'approche de la psychanalyse par le réalisateur est plus que simpliste. Dans chacun de ses films, dès que la source des troubles psychiques est révélée au grand jour, ces derniers s'estompent et le film se termine sur une fin heureuse; en réalité, même une fois la cause des névroses déterminée, un long travail reste à effectuer pour que le patient tente d'affronter ses souffrances et se mette ainsi à affronter la vie, étape par étape. Mais encore une fois, malgré le côté réducteur du sujet traité, il n'en reste pas moins que Marnie peut être indiscutablement qualifié de chef d'œuvre, pour le jeu d'acteur (remarquable Sean Connery en mari déterminé à soigner sa femme malgré elle) et pour la façon typiquement hitchcockienne de mettre en scène l'histoire. La force d'un grand film est qu'on peut le revoir maintes et maintes fois et à chaque visionnage, découvrir un élément nouveau qui nous permet d'apprécier chaque fois un peu plus l'histoire, et ici, grâce en soit rendue à Alfred Hitchcock, nous sommes servis!
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le 6 nov. 2011

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