Ce film est un rêve éveillé qui ne fait pas forcément sens sur tout ce qu'il va montrer, du moins d'un point de vue strictement logique. Et c'est absolument formidable. J'ai retrouvé ici ce que j'ai aimé dans les autres films de Guiraudie et qui sont déjà ici présentes dans son premier long métrage. Il arrive en quelques phrases à poser un univers, à proposer un élément limite fantastique et à le faire accepter au détour d'une conversation presque triviale et pourtant tellement belle. Dans du Soleil pour les gueux c'était tout cette histoire de guerrier de poursuite, d'animaux terrifiants, là c'est c'est histoire de l'avant-dernier sommeil. On dirait un délire, ou bien une sorte de rêve/cauchemar d'enfant où si l'on dort encore une fois, on va mourir. Et puis on s'imagine, on s'imagine qu'on peut duper la mort, que l'on peut devenir immortel... et on a cette phrase très très belle, dite avec une nonchalance absolument réjouissante : "Ouais c'est le mieux, t'as qu'à devenir immortel".


Et tout le film fonctionne comme ça, il arriver à mêler la gravité de la peur commune de la mort, avec une espèce d'humour un peu cynique qui fait tout le temps mouche. Et pour ça je me suis régalé, car c'est un film qui aurait pu être profondément déprimant sur la mort, la fin de vie, mais finalement le personnage se rend compte que "mourir est encore la meilleure chose qui puisse arriver à un homme vers la fin de sa vie". C'est beau cette acceptation de la mort, de la fatalité...


Par contre il est difficile de suivre tout ce qui se passe dans l'histoire tant certaines choses paraissent totalement saugrenues et coupées de ce que l'on vient de voir précédemment, ce qui me fait pencher vers le bon gros délire, une sorte de rêve éveillé. Et j'aime cette sensation un peu glissante où l'on ne sait pas trop nous même, spectateur, si l'on s'est assoupi, si l'on a bien suivi, parce qu'on s'est laissé porter par les images et par le film qui divague gentiment.


Il y a un point que j'aime beaucoup chez Guiraudie, c'est son traitement de l'homosexualité masculine, très vite ça aurait pu être repoussant si l'on ne n'en est pas. Or ce n'est pas le cas du tout ici et dans son cinéma en général, il arrive à aborder ça avec une tendresse naturelle et une bienveillance totale. Une lugubre histoire d'un vieux dégueulasse qui se tape un petit jeune ça devient quelque chose de tendre, de normal, de normal et de beau. Et finalement je pense que c'est l'un des meilleurs traitement de l'homosexualité que j'ai vu au cinéma, pas de cris, pas de pleurs, mais de la tendresse... de l'affection... sans dire un mot, sans justifier, sans chercher à justifier... ça fonctionne tellement bien.


J'aimerais faire un parallèle entre le cinéma de Guiraudie et celui de Dumont, l'un parle du sud, l'autre du nord, avec les caractéristiques propres aux paysages de ces régions, mais aussi au niveau des interactions sociales, chez Guiraudie on parle fort, on est dehors, on boit, chez Dumont il fait froid, le vent souffle, abime les corps et chacun dans sa spécialité arrive à parler de l'universel et c'est ça qui est magnifique. Toutes les tentatives de faire un film "universel", stéréotypé, formaté pour plaire à tous, pour parler à tous finalement ne parlent plus de rien, plus à personne car ils sont éloignés de tout ce que peut vivre un humain... et là Guiraudie (ou Dumont dans ses films à lui) arrivent traiter d'un cas, parfois semblant être également déconnecté de notre monde, mais qui fait tellement bien vivre ses personnages, dans un lieu souvent bien balisé, que finalement ils finissent par parler à tous, par le particulier.


Ce qui fait que la quête de l'avant dernier sommeil on l'a tous ou on l'a tous eu...

Moizi
9
Écrit par

Créée

le 9 déc. 2016

Critique lue 997 fois

7 j'aime

1 commentaire

Moizi

Écrit par

Critique lue 997 fois

7
1

D'autres avis sur Pas de repos pour les braves

Pas de repos pour les braves
JanosValuska
6

Nuit debout.

Il s’agit donc du premier film long dans la filmographie d’Alain Guiraudie. Le seul qui me manquait pour avoir enfin une vue d’ensemble sur son œuvre. Visionnage que j’avais volontairement repoussé,...

le 16 oct. 2016

4 j'aime

Pas de repos pour les braves
JM2LA
8

Euphorie syllogique

Vu 4 mars 2010Il y a peu de films euphorisants, euphorie due à l'allègresse avec laquelle ils traitent, c'est selon, les clichés, les obligations voire les ornières que le cinéma s'est lui-même...

le 2 mars 2016

4 j'aime

Pas de repos pour les braves
Auré_Lee_Loo
9

ofni

objet filmique non identifié, le réalisateur parle d'exteriorisation de son interieur à l'âge de l'adolescence. Il parle de clin d'oeil au genre du western et aux couleurs des 70's. C'est un film...

le 22 sept. 2017

3 j'aime

Du même critique

Star Wars - L'Ascension de Skywalker
Moizi
2

Vos larmes sont mon réconfort

Je ne comprends pas Disney... Quel est le projet ? Je veux dire, ils commencent avec un épisode VII dénué de tout intérêt, où on a enlevé toute la politique (parce qu'il ne faudrait surtout pas que...

le 21 déc. 2019

494 j'aime

48

Prenez le temps d'e-penser, tome 1
Moizi
1

L'infamie

Souvenez-vous Bruce nous avait cassé les couilles dans sa vidéo de présentation de son "livre", blabla si tu télécharges, comment je vis ? et autre pleurnicheries visant à te faire acheter son...

le 29 nov. 2015

305 j'aime

146

Le Génie lesbien
Moizi
1

Bon pour l'oubli

Voici l'autre grand livre « féministe » de la rentrée avec Moi les hommes je les déteste et tous les deux sont très mauvais. Celui la n'a même pas l'avantage d'être court, ça fait plus de 200 pages...

le 4 oct. 2020

246 j'aime

61