Yoshida majeur, Passion ardente commence pourtant comme un mélodrame familial plutôt médiocre : Oriko (Okada Mariko) est en proie à un mariage malheureux, aussi cherche-t-elle du réconfort auprès de l'ex-amant de sa défunte mère, lequel entretient avec elle une relation ambigüe.
Rapidement, l'intrigue se complexifie. Yoshida filme des hommes prédateurs, que la légèreté (au sens de fugacité) des femmes vient tempérer, un thème récurrent chez le cinéaste. Oriko se cherche sentimentalement, éprouve de la culpabilité à pouvoir, à devoir tromper son mari adultère et assiste à une scène qui remet en question ses convictions morales.
On regrette durant le film certaines dramatisations qui paraissent forcées, comme pour redonner un élan à une intrigue incapable à se suffire à elle-même. Et puis, si l'on repense à Flamme et femme, sorti la même année, on se dit que ce n'est peut-être pas plus mal, que la grossièreté avec laquelle le scénario se déroule par moments permet au film, les scènes d'après, de plonger tête la première dans le contemplatif, quasi l'expérimental, avec une radicalité qui cloue le bec.
Le cadrage est splendidement étudié (étonnante passion pour les coins !), et pourtant chaque plan est vif, clair, rigoureux et précis. Effets de clairs obscurs, lumières éblouissantes et autres reflets miroitants achèvent de faire du film une succession de compositions du plus bel effet, qui culmine avec cette magnifique scène de caresses entre deux protagonistes, d'une sensualité exceptionnelle. Passion ardente se distingue enfin par son atmosphère sonore, qui préfigure les fulgurances inquiétantes du tryptique Eros-Purgatoire-Coup d'Etat (1969-1973).
Perversion et mystère sont donc au centre de ce film atypique, plein de non-dits et de refoulé, et dont le cheminement ravira les psychanalystes, comme avait pu le faire l'excellent Histoire écrite sur l'eau (1965). Une grande réussite.