Choisir entre ses deux pays, entre ses deux amours, entre le passé et le présent : tel est le dilemme auquel est confronté le personnage de Nora. Mais aucun conflit ni pathos ne l’accompagnent, rien qu’une hésitation presque existentielle qui la traverse, le temps d’une retrouvaille.

Difficile en effet d’imaginer un déchaînement de passion chez ces personnages sud-coréens, fidèles à l’image de retenue émotionnelle caractérisant bien des peuples asiatiques. Ainsi Hae Sung, tant jeune garçon qu’adulte, n’est guère effusif : un simple « au revoir » dans la scène d’adieu lorsque son amie, alors enfant, la quitte pour émigrer avec sa famille aux États-Unis ; de longs silences gênés lors de leurs retrouvailles physiques à New-York ; aucune déclaration d’amour non plus au long de leurs entretiens. Peut-on toutefois l’accuser de ne pas laisser exprimer son cœur, tant son regard en dit long, que ce soit quand ils se revoient, 12 ans après, sur skype, dans une des plus belles rencontres en ligne jamais filmées, toute en subtilité et mesure, et pourtant riche en émotions, ou bien lorsqu’il converse avec elle au comptoir d’un bar et qu’aux côtés de celle-ci se trouve celui qui est désormais son mari ? Que pouvait-il laisser entendre de plus, lui qui est confronté à un implacable destin (la séparation physique d’abord, le mari ensuite) qui lui empêche de réaliser ses désirs secrets ? Hélas, tout ce qu’il sent est voué à disparaître en lui dans la lourde profondeur de ses silences, lentement dissous dans l’amer regret.

Si la psychologie des personnages est bien explorée, à travers le jeu expressif chez Hae Sung, le langage chez le mari de Nora, le jeu expressif et le langage chez Nora, Celine Song, la cinéaste, dont la vie d’émigrante a dû largement inspirer le film, se centre trop sur le personnage de Nora et son dilemme amoureux. On aurait en effet apprécié qu’elle ouvre une fenêtre narrative sur son travail d’écriture ou l’exploration des personnages secondaires (que sait-on vraiment de Hae Sung ? Trop peu au fond ; de son mari encore moins) et cesse parfois de traiter la chose comme un simple film romantique (p.e.: la manière de filmer New-York) – genre trop étroit pour son film.

Avec une mise en scène ne s’embarrassant guère d’effets (les personnages sont identiques, 12 ans après !), elle signe toutefois un premier long-métrage authentique et assez touchant.


Marlon_B
7
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le 25 sept. 2023

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Marlon_B

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