Pat Garrett et Billy le Kid par Tychus
Est-ce qu'on aurait pas là une des tout meilleurs westerns qui soient?
Dès cette introduction dont Peckinpah a le secret (même si il attendra cette fois-ci qu'elle soit finie pour lancer son générique à base d'images fixes, sacré Sam on ne change pas une formule qui gagne hein?) on sait que les deux prochaines heures ne seront pas dédiées à la rigolade. Car même si l'ambiance qui règne ici est cordiale, qu'on s'amuse, qu'on boit des verres entre vieux amis, c'est la violence qui sous-tend tout, de l'utilisation de poules comme cibles de tir aux adieux entre Billy the Kid et Pat Garrett qui savent tout deux que l'option la plus facile ne sera pas celle qui sera choisie...
TOUT est là pour un western réussi. Tout.
Les Colts font pleuvoir le plomb avec une régularité effrayante et dans toutes les situations: exercice, duel, assaut, évasion... Dispersées avec brio tout le long du film, les fusillades sont violentes, avec ces ralentis caractéristiques de Peckinpah soulignant le sang rouge vif coulant à flots.
Comme d'habitude avec notre brillant réalisateur, les personnages qui s'échangent coups de feu et répliques mortelles ne sont ni tout noirs ni tout blancs, voire même carrément gris. Un gris poussiéreux qui s'accumule partout dans ce Nouveau-Mexique où la Loi, la Civilisation, les éleveurs et leur barbelé commencent à prendre le dessus sur la Liberté des grandes espaces et des outlaws. Qui s'infiltre et brouille les frontières entre le bien et le mal, où le bandit devient homme de loi et est envoyé à la poursuite de celui qui s'était rangé avant de reprendre les armes.
Tous sont fascinants: Billy the Kid, qui n'est guidé que par la quête permanente de divertissement et de liberté mais qui possède un attrait pour la violence et un grain indéniable de folie; Pat Garrett, héros dont la vie épique évoquée par fragments l'a mené à se mettre au service de l'Ennemi, homme sans peur mais en proie au doute; et sans oublier le mystérieux Alias, fabuleux Bob Dylan parfait dans son rôle, qui fuit l'ennui de la ville pour vivre la vie poétique des hors-la-loi, qui n'ouvre pas souvent sa bouche mais dont chaque parole fait mouche, qu'il s'agisse d'un court dialogue avec le Kid, d'un inventaire improvisé de boites de conserves, ou bien de souligner indirectement la beauté des images par le biais de cette B.O tout bonnement incroyable. Quel grand moment que celui où, plus de 13 ans après avoir découvert ce morceau mythique, on comprend, on ressent, on vit vraiment ces quelques mots qui nous tordent les tripes alors que nous les connaissons par coeur: Mama take this badge off of me, I can't use it anymore...
Et bien entendu, tout cela est sublimé par l'image, parfaite dans ses moindres détails, des décors aux cadrages. Que ce soient les grands espaces, les petites villes de pionniers ou les refuges de voleurs de bétail, tout est merveilleusement mis en scène et porté par la réalisation irréprochable de Sam Peckinpah, ces plans ressemblant à des photographies d'arts dans lesquelles évoluent les sujets.
Non, vraiment, j'en ai vu des westerns, et ces derniers temps j'ai même enchainé les classiques qui manquaient à mon éducation, des grands John Wayne (Rio Bravo, L'homme qui tua Liberty Valance) ou encore (surtout?) La Horde Sauvage, autre Grand Western de Peckinpah, oui j'en ai vu donc, mais peu m'ont autant coupé le souffle que Pat Garrett et Billy le Kid. Peu (à part le dernier évoqué) se sont imposés comme monument du Cinéma à mes yeux. Jamais en une critique je ne pourrais retranscrire la beauté - qu'elle soit visuelle, musicale ou symbolique - qui m'a transpercé durant 1h50.
Mais en tant que cinéphile du dimanche et amateur de ce genre fabuleux qu'est le western, je le dis sans hésiter: oui, on a bien là un des meilleurs westerns qui soient.
Et c'est pas peu dire.